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De la cruauté, Francis Bacon

De toutes les ramifications par lesquelles se nourrit la poésie, l'art en est une des plus fécondes. Tous les miroirs permettent à la poésie d'exister, au travers des prismes que sont le réel, l'imaginaire, l'intime ou l'universel. Il est une croyance que l'univers, bien que composé d'une extraordinaire diversité de matière, obéit à des règles, à une architecture dont la beauté (ou la laideur) omniprésente est répartie de façon uniforme par l'action des lois. Si nous sommes tous faits des mêmes atomes, nous sommes aussi mus par les mêmes principes. S'interroger sur ces principes, c'est réconcilier les hommes entre eux, c'est ressentir le parfum d'une fleur avec la même énergie que l'on scrute les étoiles. C'est se dire que tout ici est connaissable, digne d'amour et accorder aux êtres une importance qui ne peut se démentir par des différences de couleurs, de religions ou de cultures. L'homme est un sur la Terre. L'harmonie du chaos, de la laideur ou de la beauté est une. L'art et la poésie s'interrogent donc sur cette harmonie. La matière, qu'elle soit pigments ou mots, est composée de cette infinité d'atomes, puissance de création infinie et universelle. Francis Bacon* s'est attaché, par son travail, à la conscience torturée des lois, ses personnages défigurés expriment une souffrance universelle et d'une façon éminemment sensible. Son oeuvre est la réunion d'un théâtre de la cruauté où s'exprime la douleur d'un siècle tout entier. Son art se bâtit sur des charognes, sur le feu de l'acier, sur d'impossibles figures. Le peintre sait que tout est présent dans ces portraits, toute la tragédie du monde surtout. C'est aussi l'affirmation de la dignité de la condition de l'homme, du pouvoir absolu du créateur et du caractère incommensurable de son esprit. Parce que tout portrait contient en lui toutes les lois, parce qu'il est une vision intime, parce qu'un être est lui-même et tout à la fois, Bacon affirme son droit absolu à la désignation, à la subjectivité. Ses portraits en appellent à la dignité de l'homme. Le regard du peintre est social, philosophique et engage la liberté. Bacon peint comme il ressent, comme il pense. Pour lui, "tous les artistes sont des amoureux, des amoureux de la vie, ils veulent piéger la vie pour qu'elle devienne plus vivante, plus violente." L'art est donc une forme de lutte, une affirmation sans fin. Et la vision qu'a l'artiste de la vie rejoint cette définition : "La vie n'a pas de sens. Mais nous lui donnons un sens pendant que nous existons." Ici est un lieu de ce combat, la réunion de tous les possibles.

 *Francis Bacon (peintre) : 1909 - 1992 

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