Jacques Canut auto-édite depuis 1993 ses « Carnets confidentiels ». « Gyrophares » en est le vingt-troisième numéro. « Gyrophares » comme « alerte », « appel au secours » mais aussi comme « élément fugitif et répétitif ». « J'ai des idées gyrophares » affirme le poète. Tout le recueil oscille dans cette mélancolie, entre pulsion de vie (« l'azur flotte / sur l'aile assoupie / des parasols. ») et pulsion de mort (« Déconcertante détresse / du chanteur des rues »). L'être se trouve dans cette position mélancolique où « [il] flotte dans les habits / du froid / entre le scalpel de l'étoile polaire / et la plantigrade silhouette / d'un iceberg. » Alors que « béats, les objets regardent », le poète ne se trouve-t-il pas dans ces « amorces d'une solution qui élucide / les énigmes / fatidiquement humaines ? » Et la Terre ne serait-elle pas cette « carte postale sur présentoir / tournant » ? elle qui abrite le pire comme le meilleur. De même, si « les sommets orchestrent / les résonances du couchant », un peu plus loin « aux marges de l'infini / un refuge veille / rayonnant comme soleil de minuit. » C'est afin de se sortir de cette récurrente contradiction que le poète décide de choisir la vie : « Un nom sans adresse ni numéro / de téléphone / dans une métropole adossée / aux vierges immensités / du globe. » et dans laquelle il décide de « aux carrefours / choisir la voie étrange ». Si ce qu'il produit est son miroir, s'il est capable de tous les désespoirs, s'il peut être l'objet d'un élan plein de vie, « au Sud, / flambant avant de s'évanouir, / le désert ébauche / des sierras salubres ». C'est cette condition humaine que représente le poète, dans laquelle il appelle de ses vœux à la construction d'une vie meilleure. « Gyrophares » porte à la fois l'alerte et le secours, il dit simplement qu'au cœur du désespoir ou de la mélancolie, la part d'ombre en l'homme est aussi sa propre lumière. Si la vie est aussi brève qu'une étincelle, l'énergie que nous mettons afin de la rendre meilleure est sans limites.