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Les mots sont...

  • La révolte

    Se révolter, c’est accepter d’être différent. C’est être prêt à être mis à la marge, quand la plupart des gens n’ont qu’un sentiment de résignation et de fatalisme. Si tout va bien, on vous montrera du doigt, au pire vous serez accusé de vivre dans un autre monde, de vouloir mettre le désordre. C’est qu’on ne touche pas aux habitudes, au conformisme. On ne remet pas en cause la bonne tranquillité des gens. On vous dira que votre révolte est une passade adolescente, une mauvaise habitude juvénile qui vous discréditera immédiatement. Quelle crédibilité avez-vous dans ce monde embourbé dans l’argent et le pouvoir ? Vous vouliez réagir un peu à ce marasme quotidien, vous défouler sur vos voisins racistes… et pourquoi ne fermeriez-vous pas votre gueule ? Pourquoi n’iriez-vous pas voir ailleurs si les esquimaux y sont ? Dans une autre vie, j’aurais pu être voyou, délinquant récidiviste. J’aurai eu un cran d’arrêt, une cagoule. La police me courrait après. Quel honneur que cette distinction ! Tant de policiers à mes trousses ! « Vous en avez marre de cette bande de racailles… Eh bien, on va vous en débarrasser ! » Voilà ce que j’entendrais à ma fenêtre, voilà le programme, le travail à accomplir. On parle aux gens comme à des chiens. Vous n’aviez qu’à pas être pauvres, immigrés, étrangers, adolescents ! « C’est à moi que tu parles ? » disait-il dans ce film, face au miroir. On refuse d’entendre la différence parce que cela remet en cause notre pauvre tranquillité ! Quel crédit avez-vous ? Vous serez une image, une caricature. Un fétu de paille métallique, moins que rien. Les voitures brûleront… « Il faut envoyer la police, l’armée, les réservistes ! » Faire le ménage, quoi ! Voilà comme on parle au poète aujourd’hui ! Voilà l’intérêt qu’on porte à un jeune poète de dix-sept ans ! Et vous vouliez écrire de la poésie ? Ah ! Ah ! Ah ! « Commence par trouver du boulot avant de rêver à gagner des millions ! » Sur son balcon, le poète se posera la question de sa légitimité, ayant fait quelques études… s’interrogera sur sa place dans son quartier, parmi ses camarades. Tout est toujours question de point de vue, de camp, de territoire… Et la haine répond à la haine. « Mieux vaut changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde », se répétera-t-il avec insistance. Mieux vaut que je ferme ma gueule. Si c’est pour être pris pour un voyou ! Je reconnais en mes frères ma légitimité. Je sais où sont mes amis. Alors qu’on me refuse le droit de parler, je me sens proche de l’opprimé, de l’expatrié, de l’étranger. Je revendique ce droit à la différence, à la parole, à la colère ! Parce que je ne suis pas un ringard, malgré tous vos jugements ! Je sais où sont les priorités, je sais où est mon combat. Dans la parole libérée, loin de toutes entraves.

  • Copier / coller

    En retrouvant quelques vieux papiers, j'ai en même temps retrouvé quelques sensations désagréables du moment de l'écriture. C'est ainsi que je me pose la question de sa valeur qui est tout simplement la question du ressenti, de la compréhension du monde. Se déconnecter complètement de cette relation, c'est entrer en soi dans ses propres névroses. C'est ainsi aussi que l'on parvient à se débarrasser de l'ego qui gouverne la vie. Comment ? L'expérience m'a appris que c'est en menant une guerre véritable en soi et contre soi. Certains textes retrouvés n'avaient ni plus ni moins pour autre sujet et motivation que la renonciation à mon propre moi. Un ego puissant révélera une vie personnelle très pauvre, orientée vers la satisfaction immédiate de ses désirs, un ego combattu pourra certes mener à la psychiatrie mais sera plus riche en volonté de bien et de justice entre les hommes. Le moi est haïssable. La création est cette faculté de créer un univers autre que le sien, à se figurer toutes les contradictions et les différences. Débarrassez-vous de votre ego ! Cela vous permettra non seulement d'entrer dans un espace de création mais peut-être d'atteindre aussi une certaine paix (j'ai mis plus de dix ans à la rechercher, je n'y suis pas parvenu). Pourtant, toute la question est là. Je ne dis pas que vous n'entrerez pas dans des souffrances abominables, mais tout de même, l'espace d'un instant, il vous sera permis de rêver à une autre vie que la grisaille qui couvre nos fenêtres à chaque instant de la vie. Tout cela est question d'esprit, je le conçois. De position, de postulat. Vous n'êtes pas obligé de sombrer dans la folie ! Tout dépendra du degré auquel vous serez prêt à parvenir, et la souffrance sera un critère absolument non négligeable. Je rêve souvent de mon passé. Je joue souvent le jeu de la réminiscence. Je regrette des chemins pris dans la douleur. Mais peu importe, tout cela s'est passé. Et je rêve aussi d'avoir pu prendre un autre chemin. Peu importe. La douleur faisant partie de l'existence, seul l'esprit critique permet d'en dégager les inextricables racines. Quelles richesses dans la dévotion ! Quelle aventure magnifique que la renonciation à soi et l'entrée dans les rêves ! C'est un tout autre monde qui s'ouvre, comme toutes les fenêtres et les portes d'une maison ! Copier / coller la réalité dans ses rêves, sur ses carnets et les retrouver des années plus tard au détour d'un moment épileptique, quelle belle sensation perdue qui se retrouve ! La poésie, d'ailleurs, a-t-elle une autre fonction que de ramener ces moments privilégiés à la mémoire et de les fixer dans l'éternité ? Et l'on se prend à confondre ces paroles avec une réalité que l'on aurait vécu... Pourtant, tout cela n'est que sensations, énergie diffusée dans la vie, richesses à un moment perçues et enregistrées dans les régions du cerveau ! Alors, que reste-t-il des années plus tard ? Ces souvenirs, ces regrets, cette nostalgie du temps passé et perdu. Il est des sensations si délicieuses à retrouver que leur perte vous mène à un désespoir absolu. C'est cela l'écriture, c'est cela la renonciation à l'ego et le rêve d'une autre réalité. Et comment dire la fin de tout à l'heure de la mort et de la disparition ?

  • Les mots

    Les mots, ça passe. On vous en donne au kilo dans votre boîte à lettres. On vous en donne à la tonne dans les publicités. On vous en vend dans des paquets de lessive. On vous en distille dans les discours politiques. On vous les compte au gramme près. Le boucher vous découpe un gros morceau de mots. Le boulanger vous donne un pain de mots avec les friandises pour le gamin. Ca passe. Ca fait trop mal. On se décide à vivre en soufflant les pétales des mots. Mots de fer, d'acier. Mots montés en corps d'immeuble. Détendus sur un banc et qui regardent les fontaines, les petits bateaux, les enfants. On vous a gavé de mots, on vous a dit des mensonges. Il faut rester sage, ne pas avoir de trop mauvais mots. Il faut être dans la norme. Les mots qui circulent sous le manteau, volés, les mots de contrebande doivent être eux aussi polis. Les mots au soleil se transforment en ombre. Ils fondent, se recroquevillent, deviennent dangereux. Soyons dociles avec les mots. Les mots, le vent, la vie, les feuilles des arbres, les cris, les murmures passent. On a monté des murs de mots. Il faut les détruire à coups de masse.