Pour commencer l'année avec un bon livre, voici "Seize fois sans" de Pascale Albert aux éditions Echo Optique. Parce que la poésie évoque en peu de mots un univers bien trop grand, infini dans la substance d'un livre, cette même poésie recèle des pouvoirs d'évocation que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. On peut relire un livre dix fois en découvrant à chaque fois quelque chose de nouveau, car la poésie dit tout, suggère tout, contient dans une formule impossible les racines, les herbes et les arbres du temps. La sensation d'avoir tout dit procure une paix de l'esprit. Le mot, dense en lui-même résonne de pouvoirs infinis d'évocation. La poésie opère en terrain inconnu en nous révélant à nous-même. Il y a dans le livre de Pascale Albert une part manquante, une déchirure qui tient à la perte ou à l'éloignement de l'être cher ou intime. Toute cette vie puissante est sous-entendue dans le blanc de la page. Elle est un terrain dévoilé qu'il n'y a pas à redire, le mot ici est martelé pour mieux imprégner le lecteur de cette perte et de cette nouveauté. "16 fois 365 matins de silence / 5840 jours de rien", le poème est une science, il calcule la perte, compte les hématomes et accueille la vie perdue, en fait resplendir les trésors. "252 288 000 respirations solitaires", toute l'expérience acquise au fil de 16 années est le fruit d'un calcul quotidien, assidu qui se poursuit dans le présent. Chaque vers est le fruit d'une équation pleine d'humour et de mélancolie, un calcul résultant d'un autre calcul. Inventaire d'une perte ("Tu sais le manque ? / Tu sais le creux") quiétude aussi de posséder encore l'être perdu ("Avec toi / Dans une bulle"). Car ce qu'a perdu le poète, il le possède à jamais ("En un jour / J'ai toutes les humeurs"). Si la perte ronge, le poète sait avoir possédé, connu, aimé. Le poète qui sait les tourments ("Je saigne / Encore") sait aussi se contenter de bonheurs simples ("Ma fille a 9 ans / Et un amoureux"). Si "Le silence tue / Les élans, les mots qui vont avec" , il s'agit de se sentir exister encore ("Pour toi, je suis morte ?") aux yeux des autres et de soi-même, tâche qui revient au poète, celui qui a connu et enduré la perte et qui peut affirmer connaître : "Je suis vivante. / Que moi pour savoir. / Toi, ta vie, ailleurs." "Seize fois sans" de Pascale Albert évoque avec force et concision les tourments du manque et de la perte, mais aussi le bonheur de se savoir exister, en dépit des fracas, des doutes et de la douleur.
Avis de parution :
"Seize fois sans" de Pascale Albert, 8 euros + 2 euros de frais de port. Format 10 x 19 cm, 42 pages.
Chèque à l'ordre de : Echo Optique, Bellevue, 85500 Les Herbiers.
Pascale Albert vit aux Herbiers (Vendée). Comédienne et auteur, elle anime également des ateliers d'écriture pour adultes et enfants.