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  • Le poète est-il dangereux pour la société ?

    Les banderoles dans la rue, les manifestations, tout cela fait la une des journaux. Tout le monde en parle. S’il est bien une chose dont on ne parle pas, c’est de la poésie. Pourquoi d’ailleurs devrait-elle s’inviter sur les plateaux ? La poésie ne fait pas partie de l’actualité. Elle paraît bien pâle, bien inoffensive face aux grenades, aux gaz lacrymogènes. La contestation se fait de plus en plus pressante, alors que la parole révolutionnaire semble discréditée par la violence et l’anarchie des mouvements sociaux. La revendication a-t-elle un avenir dans une société basée sur le profit économique ? Les lois du marché ne sont-elles pas inaliénables, incontournables ? Tout contestataire apparaît comme un ennemi du système capitaliste, toute velléité est écrasée dans l’œuf par la marche des puissants. Renverser le système semble impossible. Aurait-on intérêt d’ailleurs à tout casser ? La colère n’occulte-t-elle pas la raison, la violence n’empêche-t-elle pas le débat ? Le peuple français est en colère. Pour des raisons inconscientes, matérialistes, financières. Je ne sais pas ce que les Français recherchent. J’entends les mouvements, les cris… Ne se détourne-t-on pas de ce que l’on dénonce ? Les politiques voudraient nous faire rentrer dans le rang, pour que les marchés, les transactions continuent ; ne sommes-nous pas aussi tels des moutons ? La complexité de l’économie mondialisée n’interdirait-elle pas le chaos ? Ne faut-il pas tout réorganiser, tout débattre, tout remettre en cause, sans pour autant tout casser ? Le peuple français ne rêve plus. Le peuple a mauvais sommeil. Alors que le poète se noie dans l’idéalisme, tout semble bouclé, obstrué, cadenassé. Toute revendication est assimilée à un désordre, toute velléité fait de vous un ennemi du système. On vous demande toujours de faire plus pour la société, de vous saigner aux quatre veines… Et c’est bien naturel, car vous feriez tout pour votre patrie ! Dans cette mondialisation effrénée, qu’est-ce qui est important ? J’entends des voix. J’entends The Voice le samedi soir sur TF1. Je vois les bateaux que l’on construit à Saint-Nazaire. Je vois ce joueur de football qui gagne des millions d’euros chaque mois et qui se dresse comme un exemple pour la jeunesse. Je vois ces milliardaires sur leur île. Je vois la misère de tant de peuples. Il est naïf, voire enfantin de s’élever contre les désordres de ce monde. La révolte adolescente sert de base à l’âge adulte. « Construire un monde meilleur… » vous y croyez ? Ne faudrait-il pas plutôt se résigner, accepter l’inacceptable ? Oui, chacun mène une effroyable quête. Allons, n’est-il pas ridicule d’être indigné par tout ? N’est-ce pas puéril ? La société ne rit-elle pas face à votre naïveté ? Se détourner du monde, ne vivre que sa propre vie, ne pas entendre les oiseaux de malheur… Allons, vous êtes tombé poète à dix-sept ans ! Il n’est pas question de renoncer à votre combat poétique ! Mais quel est-il ce combat ? N’est-ce pas simplement cette résistance contre la monstruosité, la violence sociale de ce monde ? Ou simplement l’indignation qui vous anime au quotidien ? On pourra méditer sur ce qu’est la poésie aujourd’hui. Elle est personnelle, protéiforme… Elle tend à s’emparer de ce monde, à prendre à bras le corps les questions de société, à rendre compte du quotidien le plus immédiat ou à explorer des dimensions philosophiques. Le poète est chacun de nous. Il n’y a plus d’écoles, plus de courants ! Chacun est libre d’apporter au monde sa propre pierre. C’est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans poésie (pour reprendre la formule de Descartes) ! Et le poète lui-même doit donner l’exemple. Car nous croyons à la poésie qui nous aide à gouverner notre vie. Nous croyons à la parole poétique face aux rouleaux compresseurs de la politique et des économistes. Il n’y aura pas de révolution poétique. Il n’y aura que des hommes et des femmes qui tenteront d’améliorer le quotidien. Dommage pour nous, pour nos idéaux, nos rêves adolescents. Nos revues, nos recueils continueront à être diffusés sous le manteau. Et un jour, on se demandera peut-être : le poète est-il dangereux pour la société ?

  • Les quatre pneus et le warning

    Tournez à droite au feu rouge et garez-vous sur le parking. Laissez votre voiture et entrez dans le grand hall. La nouvelle Citroën est là. Bonjour à l’accueil. La réparation durera toute l’après-midi. On me ramène chez moi gratuitement en attendant de repasser le soir pour récupérer l’automobile. J’en ai eu pour 70 euros, mais il faudra revenir au garage pour changer les quatre pneus abîmés par l’hiver, lustrer les phares et réparer le warning. Comptez 500 euros pour l’opération. De toute façon, ça ne passerait pas au contrôle technique prévu en février. Je n’ai pas beaucoup roulé : 1000 kilomètres en deux ans. La vidange d’huile est effectuée, les filtres changés… Ma C1 roule bien depuis douze ans. J’avais cassé une R11 sur la route, rupture de courroie… irréparable ! La Renault a fini à la casse. J’ai trouvé cette citadine d’occasion chez le garagiste. Ca roule bien, pas trop vite. Lors de mon premier passage à l’examen de conduite, j’ai manqué de percuter de plein fouet un camion qui passait en sens inverse. Un bel accident évité de justesse… On m’avait demandé de mettre le désembuage … j’ai quitté la route des yeux quelques secondes avant de me rétablir sur ma trajectoire ! Donc, faites attention si vous me croisez ! J’ai une C1 bleue, avec une chaussure de foot au rétroviseur ! Pas d’accident depuis vingt ans que je roule, c’est dire si vous êtes prudents ! Monsieur, votre voiture sera disponible demain matin. Ah, ben voilà qu’il va falloir que je me lève avant midi ! La poisse ! Mais les mécaniciens sont bien courageux, eux. Ils embauchent à huit heures et demie et finissent à dix-huit heures. J’admire leur courage. Je suis admiratif de leur capacité à réparer ma voiture. Moi, je ne mettrais pas les mains dans le moteur… J’aurais peur de mal faire et de saboter inconsciemment la voiture, que le propriétaire me rattrape et me plante un couteau sous la gorge. Allons, ça se passe bien en général et il n’y a pas plus de meurtres chez le garagiste que chez le médecin. Chez Citroën aussi, il y a des médecins qui réparent les carrosseries, c’est tout pareil ! Et les études, c’est kif- kif ! J’ai un respect immense pour ceux qui travaillent dur pour gagner leur pain ! Ceux qui font des travaux ingrats… On parle de pénibilité, et c’est vrai : tout le monde n’est pas derrière un bureau ou un guichet ! De toute façon, il en faudra de plus en plus de mécaniciens, vu le nombre de voitures qui circulent ! Il faudra toujours plus de courage et de sueur. C’est gens-là bâtissent le monde et façonnent la société. Les travaux publics, les transports, l’agriculture, combien de métiers pénibles encore ? On n’imagine pas tout le courage qu’il faut pour faire un tas de boulots ! Et moi, j’aurai toujours besoin de quelqu’un pour réparer ma voiture ! Egoïstement, je soutiens les travailleurs. J’applaudis ceux qui se lèvent tôt. C’est pas avec mon AAH que je vais devenir rentier et me retirer du monde dans une île des Seychelles. J’aurai toujours besoin qu’on vienne réparer mon lavabo, ma télé, mon frigo… J’aurai toujours besoin d’une voiture pour aller faire les courses et poster mes revues à la Poste avant 15 heures 30. Quoi qu’il en soit, avec mon AHH, je suis privilégié. Je ne fous rien de mes journées. Pas de travail évidemment ! Pas d’impôts à payer ! Eh ben dis donc, t’en fais une grosse feignasse ! Oh, vous savez, on est tous un peu feignant… On ne travaille pas tous, dans les trains, les avions, les camions, les chantiers, les usines ou les supermarchés ! On croit que les choses se font comme ça, en claquant des doigts. Mais il y a tellement de défis à relever pour ceux qui font marcher le pays ! Moi, j’avoue que mon pas est bancal… Je ne produis pas, je ne cotise pas, je ne sers à rien. Je fais partie de cette population désorientée et désœuvrée. On ne m’a pas dit, on ne m’a pas montré le bon chemin. Je me suis usé sur des murs infranchissables. J’ai fait des boulots innommables. Oui, je suis privilégié. Français, blanc, tout en moi respire le terroir, l’identité nationale. Mais je ne sais pas réparer les voitures. Oh, j’ai d’autres qualités, mais je ne sais pas bricoler les moteurs. Nul n’est parfait. Alors, avec un respect immense, j’ai récupéré ma voiture ce matin. Et je prévois de la retourner la semaine prochaine. Au revoir au monsieur en bleu de travail. Merci à la dame à l’accueil. J’ai payé mais je suis content. Satisfaction, ma voiture est repartie pour une longue route ! Tournez à gauche au rond point. Puis foncez tout droit sur la route de campagne. Le soleil est radieux, le beau temps est revenu. Je rentre chez moi, cuire le beefsteak de midi. J’ai fait les courses. Je suis heureux. J’ai l’impression d’avoir une place dans la société. Ce sera toujours la lutte des travailleurs. Quand la poésie gouvernera-t-elle le monde ?

  • Le grand jaune

    Alors que nous vivons la grève la plus longue depuis l’invention du Rubik’s Cube, la contestation n’est pas près de s’éteindre dans notre pays. Oh ! c’est une passade de jeunesse et bientôt les Français reviendront à leur fourneau. Pourtant quelque chose s’est bien cassé entre le peuple et les élites. Le pouvoir voulait décider des lois et disposer de la population ! Le fossé s’est creusé et la France se rebelle. Car on ne parle pas aux Français comme à un adolescent. Les Français sont matures et réclament plus de démocratie. Mais l’ordre s’impose ! Vivons-nous en monarchie ? Alors que le Premier Ministre menace de faire passer la loi par ordonnance, des milliers de salariés sont privés de revenus depuis le 5 décembre et ont passé Noël près des braseros. Les ministres sont bien payés, eux, et ont eu de la dinde farcie au réveillon, agrémentée d’une coupe de Champagne (avec modération). Le peuple grogne. Le peuple a faim. Il n’entend pas se laisser mener par le bout du nez. L’école de la république est passée par là : le peuple n’est plus cet ignorant malléable par les puissants, il réclame le pouvoir et c’est ce qui déplait à tous ces « encravatés » imbus de bureaucratie et de chiffres à la con. Museler le peuple est interdit en 2020 : le peuple brise ses chaines et aspire à la liberté. Ca ne plait pas, le désordre ne plait pas. Il faut de la police et des coups de matraques. Depuis plus d’un an les gilets jaunes sont dans la rue et affrontent un gouvernement sourd et établi dans ses certitudes. Mais on ne gouverne pas le peuple français comme un troupeau de moutons, le pouvoir lui appartient ! Je comprends la haine sans la cautionner. La force se nourrit de la violence. Les policiers sont bien contents de répondre au « lanceur de balles de défense » aux Black Blocs qui saccagent vitrines et magasins. Mais les Français font la différence : la violence ne fait pas oublier le combat pacifique des gilets jaunes, la bêtise des casseurs ne nuit pas à la contestation. Je pose la question : ne sommes-nous pas gouvernés par un Etat « voyou » cherchant à discréditer le peuple et le contenir dans une obéissance aveugle ? La suffisance, la condescendance des dirigeants a provoqué la défiance du peuple français ! Quarante jours que la grève bloque le métro parisien et le pouvoir qui roule en voiture de fonction n’en a rien à foutre ! D’autres aussi se lèvent le matin pour aller travailler, galèrent chaque jour pour gagner leur pain ! On voudrait mener le peuple comme un adolescent récalcitrant alors qu’il est adulte et formidablement policé ! Mais jamais la France ne se verra privée de l’essence-même de son combat : la liberté. La France est le guide dans le monde de cette liberté fantastique qu’est la souveraineté populaire. N’en déplaise à ces dirigeants qui voudraient l’aliéner, le peuple a déjà fait sa révolution ! Le monarque Macron et son évêque Philippe ont décidément beaucoup de mouron à se faire : leur place ne tient qu’à un fil, celui sur lequel la contestation sévit depuis que le peuple français s’est réveillé de sa torpeur et de sa condition d’esclave mortifié.