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Art - Page 2

  • Une énigme de Magritte

    Je voudrais vous faire part de ce sentiment étrange qui nous habite parfois : celui qu'il est difficile voire impossible de s'extraire de notre propre interprétation du monde. L'homme est engagé dans une aventure où, inconsciemment, il prend ce qu'il projette pour la réalité. Or tout ce que l'on ressent vient d'un lieu intérieur, d'une histoire, on pourrait dire aussi d'une impossibilité à inventer en soi un autre monde. Bref, apprécier un paysage de bord de mer, écouter une chanson ou voter aux Présidentielles c'est être dupe d'une formidable hallucination ! Difficile aussi de regarder une chose sans que la machine à interpréter se mette en route ! Il faut s'être débarrassé de soi avec une telle force pour oser comprendre profondément quelque chose ! Se regarder de haut, vouloir se saisir entièrement est une course sans fin. La poésie est interprétation. S'affranchir de tout, voir, saisir même une vérité, c'est encore par le même processus jouer à la loi de l'interprétation. On ne sort pas de ce cercle, pas ici, pas sur terre en tout cas. Dans de nombreux tableaux de René Magritte*, on retrouve la présence du rideau. Magritte s'amuse à confondre ses toiles avec le réel, joue avec cette ambivalence entre le sujet et sa représentation. Face à ces toiles, le rideau rappelle que nous sommes en peinture, qu'il s'agit avant tout d'une vision du peintre, reprise par le spectateur. Il en est ainsi dans "Décalcomanie" où l'homme de gauche (Magritte lui-même) semble avoir été découpé dans les plis du rideau, or l'observation montre qu'il n'en est rien : un élément trahit le subterfuge. Il en est ainsi dans "Le Beau Monde" où le peintre reprend son expression : "Je pouvais voir le monde comme s'il était un rideau placé devant mes yeux." Il en est de même dans "Les Fleurs du mal" où la représentation de la femme reste à jamais énigmatique comme une statue de glaise. Comme de nombreux autres éléments, Magritte reprend souvent ce thème du rideau. Il est non seulement le symbole de la peinture, mais aussi celui que toute représentation sera toujours en décalage par rapport à la réalité : une théorie, un tableau, un sentiment seront toujours des images, aussi fidèles soient-elles, de la réalité. Alors peut-on réellement connaître une chose ? Peut-on définitivement s'affranchir de la représentation, de la subjectivité ? Je pense personnellement que si, à force de travail, on puisse parvenir à établir quelques vérités, toute explication sera toujours aussi mystérieuse que cette réalité. La poésie comme la peinture se nourriront toujours de rêves infinis, tout comme des énigmes et des mystères qui habitent ce monde.

     *René Magritte (peintre) : 1898 - 1967

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  • Monet aux nymphéas

    Claude Monet* a dit : "Rien au monde ne m'intéresse que ma peinture et mes fleurs." Formidable pouvoir de l'artiste de s'extraire de l'ordre conventionnel du monde ! Formidable force de l'homme qui peut diriger sa vie dans le sens le plus exacerbé et le plus libre qui soit ! L'artiste conduit sa vie, s'affranchit de tous les pouvoirs et de toutes les conventions, utilise sa puissance de création pour peindre sur des toiles frénétiquement brossées sa volonté de plus de liberté et d'immédiateté dans tous les domaines de la vie. Est-ce à dire qu'il se tient loin de toute agitation sociale, que l'avancée de la civilisation ne le concerne pas ? Non, bien évidemment. Car ce qu'il peint, au-delà d'être des fleurs, des paysages de bord de mer, des cathédrales, c'est sa capacité à s'approprier le sens quotidien et sacralisé de l'existence ! Car l'artiste dit, répète et crie  ce qu'il est dans le monde ! Il n'attend pas qu'un autre parle à sa place, il ne se laisse pas dicter le cours de sa vie par des puissances extérieures, ses mouvements lui appartiennent, la parole vient de lui, coule, inonde, irradie autour de lui. La peinture, autre chose que couleurs, composition, travail solitaire et acharné ? Oui, bien évidemment. C'est son intégrité d'homme libre qu'il engage ! C'est son droit de dire, de déclarer, de revendiquer. Monet parle de ses impressions, nous fait part de son regard, nous engage et nous invite à considérer le monde d'une façon personnelle, non plus dictée, choisie arbitrairement mais vécue, assumée. C'est bien plus qu'une histoire de peinture et de fleurs, c'est la capacité à se situer dans l'ordre du monde.

     *Claude Monet ( peintre) : 1840 - 1926 

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  • Edvard Munch : le cri

    Un cri. Qu'attendre d'autre dans le temps ? Plus de poème. L'unique témoignage d'une souffrance vécue. Récit d'une vie. Oui, la poésie rend la vie plus belle. Elle défigure la face immonde de la réalité, reconstruit en nous une forme plus belle, plus tolérable de la vie. Quand même, la poésie se nourrit de ce terreau douloureux. Non, la vie n'est pas belle, elle est même laide, elle n'est l'un ou l'autre que dans l'esprit. Donc laissez-moi la possibilité dernière de la haïr et de l'aimer à la fois. Témoigner jusqu'au seuil de l'au-delà. Aujourd'hui plus que jamais, besoin de dire, de parler. Ecrire pour exister, ne pas sombrer dans l'oubli. Plus important que la vie, n'être que mots, phrases. Chambre close, cloisonnée de murs épais, insonorisés. Dans le couloir, hurlement, passage d'un être au visage difforme. Nuit à vomir dans des draps mouillés, froids ou chauds ? Prends, prends ça. Ca va te faire du bien. Nuit blanche à se répéter ces mots pour ne pas sombrer, finir, s'éloigner. Enfin quelques secondes dans une minute, une heure, une nuit... ce n'est pas si long. Tant pis, je dormirai mieux pendant deux semaines, avec ce qu'on me donne, ce qu'on me fait avaler. Même pas la force de me plaindre. Un cri. Le silence. Basta !

    Edvard Munch* déclarai en 1893 : "Je longeais le chemin avec deux amis - c'est alors que le soleil se coucha - le ciel devint tout à coup rouge couleur de sang - je m'arrêtai, m'adossai épuisé à mort contre une barrière - le fjord d'un noir bleuté et la ville étaient inondés de sang et ravagés par des langues de feu - mes amis poursuivirent leur chemin, tandis que je tremblais encore d'angoisse - et je sentis que la nature était traversée par un long cri infini".

    On ne m'enlèvera pas l'idée que la poésie est décidément un chemin difficile. Enrichissant, certes, mais difficile. Il ne s'agit pas uniquement du fait d'écrire, mais aussi de s'inscrire dans une histoire culturelle, une richesse commune à tous les hommes. Engager aussi son écriture vers... Faire tendre le texte vers... un état d'esprit qui pourrait être celui des Lumières. Importance du patrimoine. Chacun écrit ce qu'il veut, pas d'objection à cela. Tout le monde en est-il persuadé ?

    L'écriture comme combat historique, comme désir de transformation du réel. Chanter que la vie est belle, que la nature est harmonieuse, qu'il faut aimer vivre... oui. Laissez-moi quand même douter de beaucoup de choses. Ma subjectivité d'homme libre.

    Se promener dans les champs, sur les chemins, vers le bord, sur les rochers, cri ! 

     *Edvard Munch (peintre) : 1863 - 1944

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