Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Société - Page 4

  • Scary F1

    Ayant tapé sur le Paris Dakar en janvier, je ne vois pas pourquoi je m'empêcherais de taper sur la Formule1 et de remettre une couche sur cette pratique hallucinante de stupidité et de bêtise. Chaque fois, on nous ressert le même tableau, départ en trombe de bolides aux volants desquels des individus sans cervelle se plaisent à atteindre des vitesses tout aussi surdimensionnées que leur ego, pour le plaisir narcissique de milliers de spectateurs attirés par le sex-appeal de la compétition et le vide absolu qui emplit leurs yeux quand un pilote arrive, à chaque tour, à passer devant eux. Il n'y a rien à dire de plus, la F1 se résume à cela, plus éventuellement les salaires en centaines de milliers de dollars par tête et les bénéfices prodigieux que rapporte chaque course à des individus dont on ne sait s'ils sortent d'un film de Mad Max ou d'un manège où tous auraient oublié leur cerveau. Car, quand même ! A qui bénéficie ce spectacle obscène relayé par les télévisions ? Quelle utilité pour le commun des mortels, celui qui souffre chaque jour pour amasser quelques dollars et qui voit passer devant ses yeux l'indifférence totale, le mépris et l'arrogance des "gens du Nord" qui décidément l'ont perdu depuis longtemps ? Aimer frétiller du dard au volant est une chose, relayer l'information par tous les médias possibles en nous bassinant le fessier à chaque flash télévisé en est une autre. Mais quoi... nous sommes à l'heure de la compétition, de la vitesse, du n'importe quoi au prix le plus cher. Rien à foutre des lois morales, de l'éthique, de la retenu ! Les gens crèvent, et alors ? Ca me concerne, moi, au volant de ma Ferrari ou de ma Renault ? J'y peux quoi ? C'est pas parce que je claque et que je flambe des millions de dollars au nez d'un éventuel spectateur à l'autre bout du monde que je suis un égoïste, un sadique et un pervers ! La remarque est imparable. Nous sommes dans la civilisation de la liberté à tout prix, nous avons torché nos états d'âme il y a bien longtemps. Et cet engouement que mettent les journalistes à nous commenter une course !... Bref, encore une fois je me sens vraiment un couillon à écouter leurs renvois intestinaux... et dire que moi aussi je conduis une voiture !

  • Délit d'innocence

    Pour les lois et les décrets, tu n'es qu'un numéro de formulaire perdu dans un dossier poussiéreux au troisième étage d'une préfecture. Pour un certain pouvoir, tu n'es qu'une étrangère et son enfant, quelque chose de pas commercial et de pas quantifiable, seuls mesurables sont le mépris et la haine que tu suscites autour de toi. Pour eux, ce sont des programmes politiques, des quotas à respecter... une certaine idée de la France, "profonde", "de souche", immaculée comme la neige au petit matin. L'heure est grave, car si de nouveaux tyrans parlent et vocifèrent, il y a beaucoup de monde, encore, pour les écouter. Il n'est pas besoin de carte pour faire de la politique. Il n'y a pas besoin de tenir de beaux discours pour se sentir engagé. Astrid-Mira a sept ans. Elle est née à Kinshasa au Congo, pays qui a connu une guerre civile faisant 3,8 millions de morts. Sa mère et elle se sont réfugiées en France en mars 2002. Astrid-Mira sait écrire. Comme d'autres enfants de sa classe immigrés en France, elle montre une grande motivation. Dans sa classe, un enfant lève le doigt même lorsqu'il ne sait pas la réponse, tellement il a envie, tellement apprendre dans son école est important. Mais toutes deux sont sans cesse menacées d'expulsion. On ne veut pas savoir, on ne signe pas les papiers, on a des ordres. Comme dans beaucoup de cas semblables, les enseignants sont les premiers à se mobiliser, quitte à se mettre hors-la-loi, à affronter la clandestinité. Aujourd'hui, les poètes s'en mêlent. Ce n'est pas seulement parce que cette situation est inacceptable, ce n'est pas un coup d'éclat ni une mode. Beaucoup de personnes sensées ne supportent plus le climat de haine, de rejet et de repli sur soi. Beaucoup ne supportent plus le silence face à des questions de justice, de paix et de développement économique. Plus que jamais, c'est l'engagement de chacun et la résistance qui auront raison de la misère. Une nation fliquée, immorale, sans rêves, sans élans vers les plus pauvres et les plus fragilisés est vouée à dépérir et à répéter les erreurs de l'Histoire. Prendre la parole, qu'elle soit poétique, politique, utopiste ou révoltée est urgent. Astrid-Mira n'attendra pas. Sans soutien, un jour, elle sera reconduite à la frontière, elle et sa mère ne seront plus qu'un numéro de formulaire dans un dossier classé, au troisième étage d'une préfecture.

  • C'est la rentrée

    L'école est la clef de voûte de toute la société. Lorsque j'étais adolescent, j'aimais par-dessus tout, dans un devoir de Français, l'exercice d'expression libre, avec toujours un thème imposé mais qui offrait plein de liberté. Avec trois ou quatre bouts de ficelles et un peu de mémoire, il était possible, quasiment, de refaire le monde. Ce que je n'aimais pas, c'était apprendre bêtement une leçon et la réciter, il me semblait que l'on voulait de toute force m'enfoncer quelque chose dans la conscience, alors que moi, ce dont je rêvais c'était de découvrir des territoires inconnus, à peine balisés. Plus tard, au Lycée, je me suis carrément perdu dans mes délires, le petit garçon sage et attentif était devenu un météore, un atome fou qui n'obéissait qu'à sa propre logique ; je me cassais la tête sur des devoirs, je n'avais pas trouvé la bonne étincelle. J'ai sûrement pris tout ce qui m'intéressait et puis je me suis débarrassé de tout le reste. Je crois que j'avais alors quelque chose à voir avec ces adolescents déboussolés et tombés dans la délinquance, même si moi je rêvais d'absolu et de changer le monde. Je pensais que l'école avait un pouvoir formidable mais qu'elle engluait les esprits fragiles en refusant méthodiquement l'expression de toutes les diversités : moi, je défiais les professeurs sans savoir où aller mais par le simple souci de protéger ma liberté, je n'avais que cette idée inconsciente et frontale et quand même, quand je me sentais perdu, je dormais sur mon pupitre, avec ce sentiment d'être là, malgré tout. Alors, les maths, le Français, l'Histoire-Géo, je ne les suivais qu'en diagonale, j'étais bien trop occupé à rêver à la fenêtre. Alors, si on me demande aujourd'hui à quoi ça sert l'école, je dis que l'école c'est tout et que l'on y emmène sa vie dans son cartable. Le malheur, c'est qu'aujourd'hui on est pas capable d'y retenir un enfant, de lui montrer ce qu'il y a de merveilleux dans le fait d'étudier, de réfléchir. On enferme les idées dans des oppositions formelles et on clôt les débats avant de les avoir entamés. On voudrait imposer une norme pour tous. On crée des enfants perdus, défiants, violents. Alors, c'est quoi l'école, c'est quoi la société ? C'est quoi être élève à Clichy, à Ivry, à Sarcelles ? On veut quoi dans la tête des enfants ? Bah, moi j'ai fini mes devoirs, j'ai fini d'étudier Baudelaire dans tous les sens. Je ne serai pas le dernier à rendre ma copie.