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"Stabat Mater Furiosa"

Quel est le dénominateur commun entre un spectacle d'une actrice de la Compagnie des Songes jouant "Stabat Mater Furiosa" de Jean-Pierre Siméon dans une petite ville de province et un happening délirant de Mazout et Neutron dans cette même ville de province, si ce n'est que parfois le théâtre touche à la divinité ? La capacité d'une actrice à apprendre et réciter un texte aussi rageur pendant une heure me laisse admirateur. Au début de la pièce, nous sommes plongés dans le noir pour trois minutes, silence... attente d'un signe... une porte s'ouvre, une respiration se fait entendre. Puis l'ampoule finalement s'allume. Frêle jeune femme, les pieds dénudés, dans un manteau, et qui commence son long monologue, adressé à nous, à qui d'autre ? "Je suis celle qui refuse de comprendre / je suis celle qui ne veut pas comprendre et / qui implore..." La pièce est pleine de rage, d'élans puis de calme, on s'inquiète pour l'être fragile quand elle semble côtoyer la folie, on s'émeut de ses cris ! Une femme s'élève contre la barbarie humaine. Cette pièce, ce long poème est fait de ça, et de la beauté aussi, de la fureur enfin. "On n'entend pas les pas de la foule le samedi dans les villes / sur les places publiques dans les marchés / on n'entend pas le pas d'un homme / qui va à son travail / et quand un homme court vers ce qu'il aime / c'est son souffle qu'on entend / mais quand la foule des guerriers se met en chemin / c'est son pas d'abord qu'on entend / son pas qui martèle / oui les coups du marteau sur la terre / le pas qui frappe et qui dit je suis là je suis partout / et comme les bêtes qui sentent de très loin venir l'incendie / chacun sent monter en lui l'écho sourd de ce pas / pas d'histoires tout le monde sait cela / tout le monde / même l'enfant nouveau né en a la mémoire ». Ce qu'on entend c'est un cri, une complainte, les larmes et le bonheur aussi d'être dans le cocon, le doux cocon de la vie. L'histoire humaine est tragique, baignée des guerres innombrables des hommes, de la violence aveugle et de la cruauté. Le message de Siméon s'est élevé de Saïda au Liban en 1997, ravagé par les bombardements, il est celui de l'homme libre, du poète ancré dans le monde, celui qui voit, transmet, suggère et évoque pour nous ce que nous sommes, ce que nous avons été. On sait que les buildings ont été reconstruits, tout va vite, l'activité humaine est sans bornes. Alors il faut dire, témoigner pour le courage et la dignité de la femme et la rédemption des hommes. Cette pièce a été jouée à Avignon, elle n'est pas de celles qui passent à la télévision. Elle n'est pas de celles qui font déplacer les foules en masse. C'est une femme seule plongée dans l'obscurité. Vous avez beaucoup de chances de mourir avant de la voir. Vous avez toutes les chances de ne jamais entendre parler de cette pièce ou de son auteur. Bref, les choses les meilleures sont les choses cachées. On vous ment ! La vraie vie est ici ! La vraie vie est un théâtre dans une salle sans nom, sur la place d'un château disparu, sous les arbres, en plein ciel. Il ne nous reste simplement que quelques réponses à chercher, et puis on pourra tous partir. La lumière peut se rallumer. 

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