C'est pas humain de vivre et puis de partir comme ça... Il y a des musiques que je n'ai pas entendues. Des concerts auxquels je n'ai pas assisté. J'étais shooté à mort, complètement parti dans les aigus ; les accords, ça me prenait le long de la moelle épinière, ça remontait dans les cervicales, ça se postait en chien fou enragé à l'entrée de ma cervelle. La guitare, je l'ai brûlée avant d'en tirer les premières notes, ça a grillé, ça a cramé partout sur la scène. Alors, les chansons, j'ai dû les oublier en route. J'ai dû flamber mon carnet. Ca a dû se passer comme ça, au coin sombre d'une rue. C'est l'école qui a brûlé, mes cheveux se sont décollés du cerveau. Les piqûres d'acide sulfurique se sont occupées de mes derniers neurones. Ca pédale dans le néant maintenant, ça coule dans les veines par une nuit de pleine lune. Alors, évidemment, il y a du grabuge, il y a du sang sur le macadam, de la cervelle éparpillée dans le caniveau. Il n'y avait pas d'étui pour la guitare. Les partitions devaient y passer aussi. Alors, la dernière note avant l'apocalypse de la basse et le roulement de tambour. C'est vrai, c'est pas humain, mais c'est comme ça. Qui tire les ficelles derrière la scène ? Qui amasse les biffetons ? Un dernier geste. Un dernier cachet de Clozapine. Ok, ça ira. Tu t'allonges dans la tombe. Tu t'étends dans le cimetière. Tranquille. Le soleil est noir toute la journée. La nuit est opaque. La chute est brutale. Les anges et les trompettes. Tu parles ! Je lui foutrais bien un poing dans la gueule. Silence de la voix dorée et rapide comme un éclair. Ca chante. Ca hurle. Ca repart. J'ai bouffé les partitions. J'ai balancé la guitare. J'ai brisé les sunlights. Que dalle. Rien à foutre. Ca me rappelle de bons moments. Ca me rappelle pas mal de trucs, comme la rue de l'Ormeau. Ca me rappelle un concert que je n'ai pas vécu, parce que j'étais parti avant que la nuit ne commence.
Rue de l’Ormeau est un texte autobiographique rédigé en novembre 2006 et consultable sur le site "Dans les brumes".