Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La revue des revues - Page 2

  • "Le Grand Incendie"

    medium_Pyro6mini.gif

    Si les artistes sont de grands destructeurs, ce sont surtout aussi de grands créateurs ! Evidemment, on se souvient de ces civilisations où le fait d'être hors des canons officiels signifiait une condamnation à l'exil, voire à la mort. Se dire artiste vous place tout de suite dans la catégorie des perturbateurs et fait de vous un inadapté social, plus préoccupé par les lubies que par la réalité du terrain économique. Aujourd'hui, l'artiste est soit un retraité de l'enseignement scolaire, soit un horrible squatter dealant ses bombes de peinture et un peu d'herbe bleue. C'est dire l'image qui vous colle à la peau ! Les artistes contemporains sont dans les musées ou sur les cartes de vos parcours de vacances. Innombrables paysages marines, huiles et aquarelles. Sans danger véritable. C'est fou ce que notre temps peut cacher les autres ! Les artistes sont des êtres transparents qu'il convient de chercher dans les musées ! Ben oui, un peu d'ordre tout de même ! Vous vous voyez chercher qui est qui, qui fait quoi aujourd'hui, qui dit quoi ? Notre temps se caractérise par la faculté du pouvoir et des médias à dissimuler ce qui n'est pas rectiligne, uniforme. Les artistes sont standardisés, formatés, perdus dans la foule des anonymes et de ceux qui ont eu la délivrance de pouvoir causer tranquille. C'est dire si tout cela ne fait pas beaucoup de vagues ! A qui profite le silence, le chant unique de ceux qui ont vendu leur âme au diable ? Car il semble que vouloir construire est tout aussi dangereux ! Mais vous pouvez causer aux murs, crier à votre fenêtre, qui entendra ?

    La revue « Pyro » est publiée par l'association « Le Grand Incendie ». Elle en est à son numéro sept. De très belle facture, les textes sont tout aussi intéressants.

    Il est si facile de stigmatiser une génération et de lui adresser toute la haine. Trop facile d'accuser sans se remettre en cause. Les événements récents ont montré que l'incompréhension réciproque mène à tous les extrémismes. La création est un moyen millénaire de souhaiter une autre société. Les artistes sont réellement dangereux ! « Pyro » est anthologique. Le moindre fait d'avoir cette revue sur sa table vous propulse cependant dans une autre dimension où les miroirs cesseraient de mentir pour apprendre à réfléchir. Ce n'est pas grand chose, seulement quelques mots dans un océan d'indifférence et de silence absolu. Quand même, certaines fenêtres ont besoin d'être ouvertes. Certaines choses ont besoin d'être dites, quitte à passer pour un grand destructeur, quitte à faire peur, à vouloir réclamer un peu d'intelligence.

  • Terminal

    Parmi la multitude des chemins, certains prennent les plus rocailleux, d'autres les plus détournés, les plus pervers, d'autres encore vont à Beyrouth, Tombouctou, Berlin, St Jacques de Compostelle... Bref, tous les chemins mènent à Rome. Le meilleur, quand même, c'est le chemin buissonnier. Microbe n°35 s'en mêle autour de "Ministoires de voyages". Ca circule, ça serpente, ça décolle vers le cosmos. Parmi d'autres auteurs, Jean-Jacques Nuel nous présente un extrait de roman, "L'autoroute". Là, tu t'assois dans la bagnole et tu rêves. Comme quand tu étais petit à l'arrière de la 4L ! C'est la nuit, tes parents conduisent sur l'autoroute, toi tu dors, tu n'as que ça à faire, tu dors la joue collée à la vitre froide. Tu n'arrives pas avant plusieurs heures, les phares défilent en sens inverse, tu te perds entre la buée et la carrosserie de la portière. Des voitures, il y en a des millions, des chemins, des ponts, des routes, des aéroports... Quant à l'ultime chemin, c'est lui qui te dira où tu vas vraiment.

  • Ici é là n°4

    Tant qu'il y aura des questions, il y aura de la poésie. C'est dire si cette entreprise de verbalisation de la pensée durera longtemps. La nécessité de la poésie m'apparaît de plus en plus sociale, elle oriente non seulement les pas du marcheur sur le chemin réel qu'est la vie dans ce monde mais elle porte aussi l'individu dans son rapport avec les questions existentielles du sens et de l'être. Quel terrain extraordinaire que ce passage fugitif dans l'existence ! Quelle chance que la richesse et la beauté de ce monde ! Plus que jamais nous avons besoin d'être des rêveurs éveillés. Le poète doit s'approprier le monde ! La pensée doit se faire entendre de façon à ne plus être ensevelie sous le silence et la barbarie. La poésie est sociale ! Mais elle est aussi la métaphysique : au service du questionnement essentiel. Bien sûr, la poésie est ce qu'elle veut, elle ne se laisse pas cloisonner, elle diffuse à travers les mailles de nos filets. Des réponses ? L'homme en cherche et en cherchera toujours ! Mais quoi ! L'actualité est triste, le monde est tragique ! Oui, nous avons besoin plus que jamais d'intelligence. Il est plus qu'urgent de prendre la parole. Rien n'est pire que le silence. La poésie doit vivre car elle brise le silence. Dans ici é , Laurent Bourdelas nous dit pourtant : " J'écris pour rien / même pas pour m'amuser / J'écris, cela ne sert à rien / je fais des petits bonds sur la page et dans ma vie / pas des sauts-de-loup, des petits bons vers la fin / qui m'éloignent des bonbons et de maman". Oui, la poésie comme domaine est une impuissance. La fatalité du réel dépasse toutes les petites explications et l'inexorable énigme de la vie brise toutes les certitudes, n'en sera-t-il pas ainsi jusqu'à la fin des temps ? Pourtant rien ne nous empêche de prendre la parole, ici et maintenant. Insoluble mystère et infinie question. Liberté et spontanéité de la parole. Dans " La voix", Serge Delaive nous dit : "En fait / je ne suis jamais parti / J'étais ici / comme chaque jour." Oui, pour la poésie, tout est bien ici, il s'agit de chercher et de découvrir, d'oser franchir le pas. " Des questions il y en a, jusqu'à la nuit trop souvent, des questions à ouvrir les yeux", nous dit Ariane Dreyfus. Plus loin, Mahmoud Chalbi écrit : "Et, dans la joie, tu produis, tu fais, tu crées... sans te ramasser... te retrouver... en manque !" Oui, l'homme sera toujours en manque de réponses et avide de satisfactions. Au poète de consumer la flamme qui le rapprochera de la vie.

    Il me semble de plus en plus que la poésie est sociale. Elle est aussi la vie. La revue ici é nous donne l'occasion de lire une poésie multiculturelle, sans chapelle, attentive à la diversité de voix nombreuses. Si la poésie va mal dans sa relation avec le public, c'est qu'elle souffre d'une incompréhension totale. Quel terrain aujourd'hui pourrait lui permettre de se développer ? Les salons, les manifestations ne suffisent qu'à l'entretenir. Quelle richesse pourtant ! ici é en est à son numéro 4, tirée à 500 exemplaires, elle est un acteur bien vivant et actif dans son domaine. Revue de la maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines, elle est de celles qui font vivre le paysage culturel, un exemple d'action social. Lire ses pages, se laisser émouvoir et aller à la réflexion, c'est en quelque sorte signer un pacte, parier sur le pouvoir subversif de la pensée. Composée d'une partie création, d'un dossier (ici les Poètes tunisiens d'expression française), d'articles et de notes, magnifiquement mise en page et illustrée, elle est une incitation à se surpasser dans notre vie. La poésie n'est pas grand chose, ce n'est pas un métier, à la rigueur un artisanat, mais pour quelques personnes elle est tout, elle englobe le monde, l'accueille dans ses moindres contradictions. Tout juste est-ce un mirage dans le désert, un sommaire, un article, une envie de briser les carreaux et de s'envoler.

    Au sommaire de ici é n°4 : Images ė mots : Serge Delaive, Marc Giai-Miniet, Laurent Bourdelas, Ariane Dreyfus, Patrick Joquel, Nicolas Gille ; Si près ė si loin : Un parcours tunisien : Hédi Bouraoui, Tahar Bekri, Youssef Rzouga, Slaheddine Haddad, Amina Saïd, Marianne Catzaras, Mahmoud Chalbi, Aymen Hacen. Dessus ė dessous : 20 ans de Cadex, De retour de Trois-Rivières, Les éditions Eclats d'encre, Hommage à Lewigue, Danse à l'école, Un poète, un artiste, un livre, Poésies sur le territoire, un aperçu ; Ecoute ė note : recension et programmation. 

    ici é là : La Maison de la Poésie. 10, pl. Pierre Bérégovoy. 78280 Guyancourt. 10 euros