
Claude Monet* a dit : "Rien au monde ne m'intéresse que ma peinture et mes fleurs." Formidable pouvoir de l'artiste de s'extraire de l'ordre conventionnel du monde ! Formidable force de l'homme qui peut diriger sa vie dans le sens le plus exacerbé et le plus libre qui soit ! L'artiste conduit sa vie, s'affranchit de tous les pouvoirs et de toutes les conventions, utilise sa puissance de création pour peindre sur des toiles frénétiquement brossées sa volonté de plus de liberté et d'immédiateté dans tous les domaines de la vie. Est-ce à dire qu'il se tient loin de toute agitation sociale, que l'avancée de la civilisation ne le concerne pas ? Non, bien évidemment. Car ce qu'il peint, au-delà d'être des fleurs, des paysages de bord de mer, des cathédrales, c'est sa capacité à s'approprier le sens quotidien et sacralisé de l'existence ! Car l'artiste dit, répète et crie ce qu'il est dans le monde ! Il n'attend pas qu'un autre parle à sa place, il ne se laisse pas dicter le cours de sa vie par des puissances extérieures, ses mouvements lui appartiennent, la parole vient de lui, coule, inonde, irradie autour de lui. La peinture, autre chose que couleurs, composition, travail solitaire et acharné ? Oui, bien évidemment. C'est son intégrité d'homme libre qu'il engage ! C'est son droit de dire, de déclarer, de revendiquer. Monet parle de ses impressions, nous fait part de son regard, nous engage et nous invite à considérer le monde d'une façon personnelle, non plus dictée, choisie arbitrairement mais vécue, assumée. C'est bien plus qu'une histoire de peinture et de fleurs, c'est la capacité à se situer dans l'ordre du monde.
*Claude Monet ( peintre) : 1840 - 1926
La Barbacane a publié son dernier numéro "Pour saluer Charles Minetti". Il s'agit de rendre hommage à un mort, à un poète mort comme il y en a toujours eu et comme il y en aura toujours. La vie est brève. Et puis nous n'avons qu'une seule constitution : ce que l'on fait du tout début jusqu'à la fin c'est ce qui nous fait, c'est l'empreinte que nous laissons, un écho de nous-même. La poésie est davantage que nous-même, elle nous dépasse, anticipe souvent sur notre propre destinée. L'homme vit quelques années puis part. Scandale ! A peine est-il lui-même qu'il doit partir sans savoir même où le vent soufflera sa poussière ! Ce qu'il laissera sera un peu le monde et un peu sa propre vie dans le monde. Et puis, il y a tous ces principes, ces lois qu'il essaie de découvrir, la croyance d'un ordre inné dans le langage. Certes. Il y a tout ça dans la vie. Pourquoi pas, après tout. Pour ma part, je crois à l'harmonie relative de la conscience, relative car sans cesse l'être est malmené, mais harmonie quand même car les leçons apprises ne l'ont pas été en vain. Aboutir à la sagesse, à la connaissance, voilà ce que permet la poésie. Plus, cette subjectivité qui est soi et celle de l'ordre du monde. La poésie est un chemin vers un peu de repos dans cette vie. Que souhaiter de plus ? Les lois appartiennent à la physique, la compréhension du monde est multiple, en rapport avec tous les domaines de la pensée, la religion, la science... Quelle paix peut être engendrée par un semblant de connaissance ? Comment espérer savoir parfaitement l'ordre des choses ? Comment en faire une condition de la tranquillité ? Non, c'est l'harmonie relative dans le monde qui peut apporter une paix relative à l'âme. La connaissance, elle, sera toujours le désir de l'homme jusqu'à la fin des temps. Il convient d'apprendre à vivre. La poésie est cette capacité à être dans le monde. Qu'attendre de plus dans une existence aussi courte ? Une seule constitution par vie... Et cela, c'est tout ce qui nous préoccupe. La Barbacane a publié son dernier numéro "Pour saluer Charles Minetti". Il s'agit de rendre hommage à un mort. La vie est brève.