L'école est la clef de voûte de toute la société. Lorsque j'étais adolescent, j'aimais par-dessus tout, dans un devoir de Français, l'exercice d'expression libre, avec toujours un thème imposé mais qui offrait plein de liberté. Avec trois ou quatre bouts de ficelles et un peu de mémoire, il était possible, quasiment, de refaire le monde. Ce que je n'aimais pas, c'était apprendre bêtement une leçon et la réciter, il me semblait que l'on voulait de toute force m'enfoncer quelque chose dans la conscience, alors que moi, ce dont je rêvais c'était de découvrir des territoires inconnus, à peine balisés. Plus tard, au Lycée, je me suis carrément perdu dans mes délires, le petit garçon sage et attentif était devenu un météore, un atome fou qui n'obéissait qu'à sa propre logique ; je me cassais la tête sur des devoirs, je n'avais pas trouvé la bonne étincelle. J'ai sûrement pris tout ce qui m'intéressait et puis je me suis débarrassé de tout le reste. Je crois que j'avais alors quelque chose à voir avec ces adolescents déboussolés et tombés dans la délinquance, même si moi je rêvais d'absolu et de changer le monde. Je pensais que l'école avait un pouvoir formidable mais qu'elle engluait les esprits fragiles en refusant méthodiquement l'expression de toutes les diversités : moi, je défiais les professeurs sans savoir où aller mais par le simple souci de protéger ma liberté, je n'avais que cette idée inconsciente et frontale et quand même, quand je me sentais perdu, je dormais sur mon pupitre, avec ce sentiment d'être là, malgré tout. Alors, les maths, le Français, l'Histoire-Géo, je ne les suivais qu'en diagonale, j'étais bien trop occupé à rêver à la fenêtre. Alors, si on me demande aujourd'hui à quoi ça sert l'école, je dis que l'école c'est tout et que l'on y emmène sa vie dans son cartable. Le malheur, c'est qu'aujourd'hui on est pas capable d'y retenir un enfant, de lui montrer ce qu'il y a de merveilleux dans le fait d'étudier, de réfléchir. On enferme les idées dans des oppositions formelles et on clôt les débats avant de les avoir entamés. On voudrait imposer une norme pour tous. On crée des enfants perdus, défiants, violents. Alors, c'est quoi l'école, c'est quoi la société ? C'est quoi être élève à Clichy, à Ivry, à Sarcelles ? On veut quoi dans la tête des enfants ? Bah, moi j'ai fini mes devoirs, j'ai fini d'étudier Baudelaire dans tous les sens. Je ne serai pas le dernier à rendre ma copie.
Mot à Maux - Page 46
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C'est la rentrée
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Curriculum vitae
Il y a des choses que l'on doit dire, et puis, on peut se résoudre à partir. Parmi ces choses, que nous ne sommes pas sur terre pour nous laisser aliéner dans des occupations bas de gamme qui ne riment à rien, ne signifient rien. Je pense à cette repasseuse dans mon supermarché... comment peut-on répéter tous ces gestes à longueur de journée sans broncher, sans faiblir ? Jadis, c'était le Goulag... aujourd'hui c'est encore "travailler plus pour gagner plus". Y a-t-il une limite acceptable ou c'est comme ça jusqu'à la fin ? On doit pouvoir travailler pour gagner son argent, satisfaire ses besoins journaliers et permettre ses loisirs, mais c'est quoi vivre, prendre le temps de se poser, respirer ? La plupart des gens sur la terre gagnent à peine de quoi survivre, quelques euros arrachés à force de sueur dans des travaux pénibles. Ici, les travailleurs mettent la même énergie à assurer une vie qu'ils veulent meilleure et c'est bien légitime. Le problème, c'est que les inégalités sont croissantes et abyssales entre les individus et les nations. A temps égal, les revenus entrent dans des ordres de grandeur incommensurables. Le rapport au travail ne serait-il pas alors celui du rapport à la richesse ? Il y a une question qualitative quant aux valeurs que nous donnons au travail. Quelle vie voulons-nous vivre ? Quelles richesses voulons-nous acquérir ? Que sommes-nous prêts à sacrifier pour les obtenir ? Quelle est la finalité de tout cela ? Le travail doit être une valeur partagée entre les hommes. Puisque tout est une question de flux d'énergie, inévitablement se pose le problème du partage des richesses et des ressources de la terre. Cette question de posera de façon encore plus croissante alors que les ressources sont surexploitées et que les besoins élémentaires sont de plus en plus difficiles à résorber. Ainsi, c'est tout simplement les valeurs que nous donnons à la vie qui se jouent dans la question du travail. Chaque geste porte en lui une motivation qui n'est jamais anodine. Libre à chacun de rêver de son propre cheminement de vie, d'avoir des désirs et des aspirations essentielles. Libre à chacun de se situer dans la vie. Il y a des choses qui doivent être dites avant de partir.
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Mot à Maux n°5
Mot à Maux version papier devient semestriel (juin et décembre). Après quatre numéros sur les chapeaux de roue, la petite revue anthologique née en mars 2005 voit grand et prend un format A4. Mot à Maux a publié de jeunes auteurs pour leur première fois ainsi que de plus anciens, déjà rôdés mais néanmoins novateurs. La revue reste relativement confidentielle, comme l'est la poésie dans notre société. La poésie vit cependant et c'est l'essentiel. Si l'on aimerait qu'elle soit plus présente dans nos vies, il faut considérer que c'est la parole qui devrait avoir plus de présence dans nos vies ! Le combat pour la poésie est aussi celui de la parole. Ce n'est pas grand chose, certes, mais enfin ! C'est tout ce que nous avons, et c'est déjà pas si mal. Le numéro 5 de Mot à Maux est donc prévu pour juin et vous pouvez encore me faire parvenir vos textes via mon adresse électronique. Je lis poèmes et proses avec plaisir et si je dois choisir bien évidemment ce n'est qu'en pure subjectivité. Quant à moi, je me suis remis à la peinture (même si je ne suis pas là pour raconter ma vie) et le petit garçon fait des progrès...
N° : 4 euros. Abonnement : 8 euros (2 numéros). On peut toujours commander les anciens numéros. (Par mail SVP).
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