Avec cette poésie cosmologique*, Catherine Andrieu nous offre une nouvelle exploration. A la manière de l’astrophysicien Stephen Hawking, décédé en mars 2018, l’auteure nous convie à un voyage aux confins des étoiles. Ici l’âme s’émerveille de l’Univers. Les distances infinies effectuées en quelques lignes… Ici l’ambivalence de l’esprit et de la matière, vide et atomes se répondent. Le monde se confond avec la voix : « Je porte mes larmes comme un collier d’aurore ». L’observation est toujours concomitante de l’expression intérieure. C’est la loi de la physique Quantique. L’expérience influence l’observateur et vice versa. L’homme se confronte à un impossible : « Je me cogne comme un oiseau fou aux barreaux de l’être, aux barreaux du monde… » Les interrogations humaines sont sans fin, la science n’éclaire qu’une partie du monde ! Hawking, le savant, se poste devant son miroir, devant des millions d’années-lumière, l’œil au télescope. Comprendre l’univers, c’est se comprendre soi : « Où es-tu, toi mon je ? » Car le cosmos est en nous : « Tu absorbes une partie de la lumière dans ton champ gravitationnel », « Je saigne mes dernières gouttes d’aube… » La Science parle aussi bien de nous-mêmes que des étoiles. Au-delà de la vulgarisation, l’auteure revendique son droit à la rêverie. Car l’Univers ne nous appartient-il pas ? Ne sommes-nous pas tous capables d’être émerveillés ? Les considérations sur l’Univers s’expriment par un dialogue entre les âmes. Les « trous noirs », sortes de gouffres invisibles au cœur des galaxies, sont aussi très présents dans ce long poème… Ne sommes-nous pas un fétu de paille dans ce monde, destinés à disparaître ! Le temps humain, si fragile, si bref n’est rien en comparaison de la force des étoiles ! Ici, la poésie est mise à l’épreuve. Les questions les plus fondamentales sont posées. La poésie s’appropriant le réel, le merveilleux ! Le « rayonnement d’Hawking » devient plus qu’une découverte cosmologique, c’est une source de poème ! Tout comme les océans sont le début de l’évolution, la Science actuelle est le début d’une longue aventure humaine. A travers ce voyage, Catherine Andrieu écrit une ode au merveilleux, mais aussi un chant où l’âme exprime sa souffrance. Le vide du cosmos est propice à toutes les interrogations. « Je suis femme, je suis folle… » Dans cette rêverie, le désespoir n’est jamais très loin. La poésie permet d’éclairer le monde terne et l’âme humaine. Comme cet Univers qui ne cessera de nous questionner… « Tu peux tout imaginer, et faire tous les voyages, Hawking, ghost in the shell… »
Daniel Brochard
* Texte poétique paru en octobre 2018 aux éditions Rafael de Surtis
Extrait :
Un homme qui n’a pas de visage.
Je suis l’homme sans visage, qui je suis ? J’erre depuis des années…
Qui je suis ?
Mais toi tu savais si bien l’obscurité et ses fantômes…
Il n’est pas un milieu, même dans le vide, où la lumière circulerait, éblouissement de l’éthéré qui rend la vitesse relative et le temps absolu…
Car l’existence du temps absolu enveloppe le paradoxe…
Nulle vitesse ne dépassera jamais celle de la lumière, et c’est Einstein, et c’est ton cul, bientôt, dans le fauteuil autistique du Maître… Ombres… Théâtre d’ombres… Je suis le cliquetis d’épées entre votre néant et la lumière…
Tu comprends alors qu’en dehors du corps tout n’est qu’évanescence, l’on est du côté du rêve…
La lumière des astres lointains ne nous touche que si longtemps après…
L’actualité des événements glisse et échappe.
Non, nous ne savons rien du présent de l’Univers, rivés que nous sommes au passé...
Chevaucher le rêve, enjamber le temps…
Voler plus loin pour respirer plus haut.
Tu rêvais d’un ailleurs criblé d’aurores..
De t’y tenir debout, poignardé de lumière…
Ton oeil s’ouvre dans le noir.
Oui, il bouge à la mesure de ton esprit prisonnier du scaphandre…
Peu à peu j’approche mon visage du tien, je sens ton souffle fragile…
(Catherine Andrieu : "Hawking ; Étoile sans origine")