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Lectures - Page 5

  • "Le poème de la haute demoiselle", Cristina Onofre

    Je reçois « Le poème de la haute demoiselle » de Cristina Onofre, Grand prix de la poésie décerné par Poètes Sans Frontières. Le poème est une assimilation totale entre l'être et la nature. Celle-ci est chantée, ressentie, vécue. « Le jour commence par une pluie fine » introduit « Le poème de la haute demoiselle », « avec ce frêne dans ta pensée ... » car, si l'être est une partie de la nature, il a en lui cette interrogation qui le porte, cette caractéristique d'être humain qui le fait à la fois lui-même et autre chose. Ainsi commence cette quête de l'essence, de l'origine : « le bois sec et aromatique / de mon berceau. » L'immersion dans la nature, toute bienveillante, merveilleusement belle, est une tentative de retrouver en soi l'être humain véritable : « cet arbre de l'enfance ». Si le sort du poète se confond avec celui de la nature qui l'a créé, c'est que « dans les couches du miroir, / à travers la fenêtre ouverte... » il ne peut se passer de son propre corps, ne serait-il qu'une herbe, qu'un arbre ou qu'une rivière. Le poète est ainsi celui qui plane et imite « le vol des oiseaux /.../ au-dessus des eaux ». « Etant forêt, / j'ai une histoire » affirme l'auteur qui insiste plus loin dans un fameux « autoportrait » : « Je suis une fille / qui aime / dormir parfois / la tête renversée sur un grand pot en terre... /.../ Seulement le grand pot en terre, / vous ne le voyez pas. / Et vous ne vous souvenez même pas du potier, / même pas... » Dans ces poèmes, « il pleut à volonté », « la traîne de la pluie / court vers le sud », cette pluie « tardive et continue » qui établit le lien entre la création ici-bas et son créateur. L'eau, élément central sans lequel la vie est impossible, qui diffuse dans tous les éléments, source de plénitude et de réconfort. « Tu ressembles / à un corbeau crépusculaire et solitaire » puisqu'il faut tendre « vers un monde invisible d'oiseaux », vers le point de jonction que le poète recherche avec insistance. « Je fleuris le matin dans le champs », « l'esprit des herbes / venait dans mes songes », c'est l'esprit et le corps tout entier qui sont assimilés à la nature. Qui est la « demoiselle » dans tout cela ? Eh bien, elle est à la fois herbe, oiseau, pluie, papillon, forêt et rivière. Mais elle est aussi ange, fille, enfant, poète ! « Je reviens chez moi la nuit / et toutes les feuilles m'attendent », le poète semble avoir trouvé sa maison : « Il fait nuit. / Le château s'est replié dans ses couloirs ». Et la vie ne serait-elle pas un rêve, elle qui fait de la « demoiselle » elle et plus qu'elle à la fois ?

  • "Gyrophares", Jacques Canut

    Jacques Canut auto-édite depuis 1993 ses « Carnets confidentiels ». « Gyrophares » en est le vingt-troisième numéro. « Gyrophares » comme « alerte », « appel au secours » mais aussi comme « élément fugitif et répétitif ». « J'ai des idées gyrophares » affirme le poète. Tout le recueil oscille dans cette mélancolie, entre pulsion de vie (« l'azur flotte / sur l'aile assoupie / des parasols. ») et pulsion de mort (« Déconcertante détresse / du chanteur des rues »). L'être se trouve dans cette position mélancolique où « [il] flotte dans les habits / du froid / entre le scalpel de l'étoile polaire / et la plantigrade silhouette / d'un iceberg. » Alors que « béats, les objets regardent », le poète ne se trouve-t-il pas dans ces « amorces d'une solution qui élucide / les énigmes / fatidiquement humaines ? » Et la Terre ne serait-elle pas cette « carte postale sur présentoir / tournant » ? elle qui abrite le pire comme le meilleur. De même, si « les sommets orchestrent / les résonances du couchant », un peu plus loin « aux marges de l'infini / un refuge veille / rayonnant comme soleil de minuit. » C'est afin de se sortir de cette récurrente contradiction que le poète décide de choisir la vie : « Un nom sans adresse ni numéro / de téléphone / dans une métropole adossée / aux vierges immensités / du globe. » et dans laquelle il décide de « aux carrefours / choisir la voie étrange ». Si ce qu'il produit est son miroir, s'il est capable de tous les désespoirs, s'il peut être l'objet d'un élan plein de vie, « au Sud, / flambant avant de s'évanouir, / le désert ébauche / des sierras salubres ». C'est cette condition humaine que représente le poète, dans laquelle il appelle de ses vœux à la construction d'une vie meilleure. « Gyrophares » porte à la fois l'alerte et le secours, il dit simplement qu'au cœur du désespoir ou de la mélancolie, la part d'ombre en l'homme est aussi sa propre lumière. Si la vie est aussi brève qu'une étincelle, l'énergie que nous mettons afin de la rendre meilleure est sans limites.

  • "Pour ma mort"

    Si on me demandait quel est l'élément central qui a déclenché ce besoin en moi d'écrire, je dirais sûrement que c'est ma propre mort. Pas celle qui viendra dans quelques années à la fin de cette vie, mais ce séisme qui m'a emmené un 7 octobre 1991, pendant la nuit. Depuis, je n'ai cessé de chercher à comprendre et d'user de ma position dans le ciel pour décrire ce que je voyais. Possible de relater des évènements d'un point de vue un peu élevé, impossible de s'extraire soi-même de cette position, cette course sans fin nous rapproche de l'absurde. Ecrire, c'est un peu ça. C'est user de cet absurde, quand même. "Pour ma mort" condense une expérience que chacun a vécue ou vivra un jour. Pour moi la vie et la mort se confondent depuis cette fameuse date, je ne sais plus ce qu'est la vie, la saveur de se promener sur la plage au soleil. "Pour ma mort" parle d'une mort passée, c'est un peu mettre une plaque sur une tombe pour se recueillir devant un être aimé. C'est aussi un acte de foi. Personne ne me dira ce qu'est la vie, ce qu'est la mort. Et personne ne m'enlèvera de la tête l'idée que je suis mort. "Pour ma mort" parle donc d'une mort survenue au cours de la vie et qui se prolonge. La vie est suffisamment merveilleuse et extraordinaire, les certitudes passées sûrement insuffisantes, nous pouvons nous laisser aller au mystère. Si vous décidez de lire "Pour ma mort", vous n'aurez aucune réponse. La vérité si claire est pourtant si fugitive ! J'ai posé cependant comme acte de foi cette contradiction immense, cette sensation tenace ! Après tout : "Mon au-delà n'a jamais été qu'une tombe vide sous un soleil."

    On peut commander ce recueil sur le site des éditions Poiêtês.