Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Réflexions - Page 2

  • Sur un banc

    Et si l’on pouvait conquérir l’immortalité de l’âme ? Il y aurait toute la masse de la conscience morbide à traîner derrière soi. Et puis, il y aurait forcément l’herbe tendre d’un champ de fleurs au coucher du soleil. Mais l’âme humaine ne pourrait supporter un tel chambardement, prise dans des contradictions et des conflits incessants. Alors, que faudrait-il inventer comme capacités de l’esprit pour que celui-ci ne sombre pas dans les ténèbres ? Parce que l’immortalité est impossible. Moi, je suis de ce monde ; tout vit, tout meurt. Etre soi-même est impossible quand l’orage se déchaîne dans l’esprit. Tous les paradis deviennent bien ternes, se mettent à suer de douleur. L’harmonie n’existe pas. Le silence n’existe pas. Il y aura toujours cette musique assourdissante des premiers âges de l’univers. Le calme, vous le trouverez ailleurs, sur un rocher face à l’océan. Lui est là depuis des millions d’années… vous n’êtes qu’un fétu de paille ! Où survivre ? Vers quel horizon marcher ? La vie n’est-elle pas un éternel recommencement ? Autant de questions dans les rêves, autant de déchirures dans la conscience. Le soleil est beau comme un verre d’eau… Le surréalisme a passé, il n’est plus possible de vivre dans l’esprit. Il faudrait inventer une autre force, un nouvel ordinateur. Parce que le voyant est devenu aveugle. Parce que les fleurs sur votre table de chevet se sont fanées. Peut-on nourrir un autre espoir ? Une vie pour accueillir une infinité de connaissances… Le reste pour s’en mordre les doigts. Quel repos, quel sommeil peut endiguer le désespoir ? L’éternité est une belle illusion. Sauf dans la douleur, sauf dans l’infini recommencement des choses ! Nous sommes loin de la vie idéale. Aujourd’hui l’univers tout entier est devenu un jardin où les pires démons se déchaînent, assoiffés de soleils et de canicules. Au milieu de ce jardin passe un chemin où les anges déambulent tranquillement. Et sur le bord de ce chemin, un homme est assis sur un banc, comptant désespérément les milliers d’oiseaux.

     

  • J'ai fait un rêve

    Certains se réveillent courageux… Après avoir bâillé et pris leur café, ils vont en robe de chambre se mettre devant la machine à écrire. Moi, je me réveille le matin avec un désespoir infini, la première pensée qui me vient à l’esprit est l’envie de mourir. Ils disent qu’ils sont dans un moment privilégié d’inspiration, que le chat à la fenêtre et les fleurs dans le jardin font remonter en eux une soif d’écriture. Et puis, ils disent l’aube naissante, la beauté des arbres et le chant des oiseaux. Moi, je dis la douleur de vivre, la torture d’avoir un esprit fragmenté. Comment puis-je faire autrement ? Les mots sont des lames acérées. Mes maux sont l’impossibilité de supporter, de soutenir un état normal. Alors, ma normalité se perd dans des scarifications et le fumier des jours. Le matin, les artistes jouent du piano, une mélodie de Bach ou de Mozart. Les éboueurs vident les poubelles. Les boulangers font des petits pâtés de pain. Moi, je fais remonter l’angoisse dans des volumes où mon esprit se déchire et cesse de se tenir sur ses deux jambes. Que de facultés que moi je n’ai pas ! Et comment parvenir à exister quand la torpeur se mêle au néant ? Eux ont les mots, le langage… Moi je n’ai que cette impossibilité de vivre. Alors, faut-il se lever le matin pour supporter la croix du chemin journalier ? Faut-il accepter de porter encore le fardeau ? Pour certains, le soleil est promesse de jour naissant, de poésie, de peinture. Pour moi, c’est la même promesse d’être malheureux, anéanti dans les effluves de la vie sociale. L’écriture donne-t-elle un sens au passage, comme un baume apaisant ? Donne-t-elle raison au jour ? L’envie de vivre et d’aller en avant ? La faux s’est abattue sur mon chemin mental. Et je lis des gens heureux de vivre. Et je lis des gens aussi désespérés que moi. Le matin ne m’appartient pas. C’est juste le moment de la journée où tout recommence. L’éternel recommencement des jours. L’éternel instant où je me dis que rien ne vaut la vie rêvée. Il faudrait que ce soit cela le matin : un rêve qui dure encore.

     

  • Enfermement

    Dans la cellule sombre, l’on ne voit que la lumière du couloir. Les volets sont fermés. Je suis étendu sur un matelas à même le sol. Nul objet métallique. Pas de table pour se cogner la tête, pas de chaise. C’est une après-midi en fin d’hiver. On m’a déjà fait quelques piqûres. Je ne vais pas dormir de la nuit. Quelle heure est-il ? Où sont mes parents ? Je suis enfermé dans cette chambre, après avoir déliré ce matin. Ce sont les pompiers qui m’ont emmené aux urgences. Et puis tout est allé très vite. Dans l’ambulance, j’avais envie de vomir. Ici, il y a des voix anonymes. Des blouses blanches qui me parlent. Mais qu’est-ce qu’on peut dire ? La porte est fermée. Je ne parle avec personne. Tu crois que tu peux t’envoler vers le soleil dehors ? Tu crois que ta pensée pourra défoncer ces murs ? C’est quoi un corps sur un lit ? Ca vient de l’intérieur ou ce sont des pensées que l’on t’a greffées dans le cœur ? Il n’y a pas de réponse, pas de réconfort. La tragédie de la douleur physique. Les attaques successives s’en prennent à mes organes, à mes bras, à mes jambes. Ici, je ne suis rien qu’une souffrance. La chambre close résonne de mes cris. Personne ne viendra me tirer de là. C’est ça l’isolement dans les hôpitaux psychiatriques. On tente de vous endormir avec une injection, pour calmer la bête. Et on vous enferme à double tour avec vos démons. Dans la nuit blanche, mon corps est noir. Impossible de rassembler deux pensées logiques. Toutes les théories sur l’âme humaine s’effondrent. La vie, la mort, le plaisir, la souffrance… Tout s’évanouit dans un filet d’Haldol. Il ne reste de toi qu’une hypothèse légère, qu’un gouffre où tu t’enfonces comme dans un trou noir. Le fracas dans ta tête est insupportable. Est-ce un rêve, est-ce la réalité ? Pourquoi suis-je à l’hôpital ? Parce que je sais que j’y suis. Je suis là dans cette chambre et je n’ai aucun avenir. Mon horizon, c’est le bout de la nuit. Je ne sais pas si je passerai celle-ci. Je pourrais m’endormir dans le néant. Ai-je quelque chose à faire ici ? Que seront mes pensées demain matin ? Quelqu’un hurle dans le couloir… Ce n’est pas moi ; mes cris sont silencieux. Nous sommes en mars, je crois. Peu importe. La nuit, le jour… Un homme, une femme. Il ne reste qu’une lame que je me suis fabriquée avec quelques-uns de mes neurones. Je souffre absurdement. Pas d’infirmière avec qui pleurer, je suis seul cette nuit. Demain, je serai toujours aussi malade. Il n’y a pas d’avenir. Seulement un cri, un silence. Qui sera là pour dire l’achèvement des ténèbres ?