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Réflexions - Page 4

  • Voyager II

    Les poètes ont la chance inouïe de n'être pas soumis à la loi des électeurs. Ils n'ont que faire des sondages, des prévisions. Ils n'ont pas peur de parler. Ils n'ont pas la crainte de décevoir, sinon que leur écriture ne soit pas assez sensible, que leur rage ne soit pas assez palpable. Privilège rare que cette liberté de parole, il convient d'en profiter ! C'est ce que je fais un peu ici. C'est ce que les amis font. Donc ça parle, ça discute chacun avec ses mots, ses moyens. On n'est pas là pour se tirer dessus comme le font les politiques, on a certainement d'autres intérêts et ce n'est pas plus mal.

    Le premier problème des scientifiques qui tentent d'observer le ciel, c'est la pollution humaine et l'atmosphère. C'est pourquoi Hubble nous a fourni de si belles images. Remonter très loin dans le ciel nous permet de flirter avec les premiers temps de l'univers. Le poète, quant à lui, tente de retrouver les premiers principes, les premiers instants de la genèse. Pour peu que l'un ou l'autre arrive par ses propres moyens à établir une certaine vérité du monde (unifier une théorie du Grand Tout) il restera toutefois quand même inévitablement la possibilité que les choses soient autres. Alors, si l'on réussit à trouver un principe universel à la formation des étoiles, un éclaircissement sur ce qu'est la mort, si l'on arrive à déchiffrer les mystères de la vie, il restera toujours cette réserve, cette mise en garde originelle à partir de laquelle on pourra dire : « Je profite de ce que la création a fait, de ce que la vie peut être belle, tout en sachant qu'il pourrait en être tout autrement. » L'angoisse existentielle ne tient pas seulement au fait de ne pas savoir, elle tient surtout au fait que tout pourrait être autrement.

    Et puis, n'est-ce pas l'extra-terrestre qui nous regarde et qui se dit : « Vraiment, quelle bande d'abrutis ! » Et s'il arrive à se défaire de nos nuées nauséabondes, aurait-il vraiment envie de se jeter à l'exploration de notre inconscient ? N'aurait-il pas plutôt intérêt à fuir rapidement dans une autre direction ? Avec toutes nos horreurs, avec toute cette haine qui circule ! Vraiment, il aurait fait une grande découverte ! Nous ne sommes pourtant pas trop méchants, au fond, il convient de nous connaître, et puis on peut prendre un verre et puis c'est bon. Il faudrait peut-être envoyer un signal... Ils risquent bien de ne pas trop comprendre. Alors, moi je regarde le ciel et je me dis : « C'est quoi derrière ? Je vais aller où quand... enfin, vous savez... quand ce sera le moment... » J'en sais rien, je sais pas. Fous moi la paix ! Alors je reprends mon sac, et je me dis que rien ne m'empêche de sauter tout de suite...Ola, doucement... Je reste là, parce que j'aimerais bien savoir quand même, avant de partir, si c'est mieux, après, on sait pas. On sait jamais.

    Alors, à l'extra-terrestre sur sa fusée, je dis : « Gare-toi pas là, quelqu'un risque de faire une grande éraflure sur ta bagnole. Ce s'rait con quand même, non ? »

  • Spleen IV

    Savoir si je suis rentré, si je suis sorti, si je suis là, si je ne suis pas là... quelle importance ! Je ne suis pas là pour raconter ma vie. Ce n'est pas un journal intime destiné à rivaliser avec celui de monsieur ou madame X ou Y. Je me suis jeté par la fenêtre depuis longtemps. J'ai fermé ma sale gueule qui parlait toute seule, ma face de perroquet braillard et indiscipliné. Je n'ai rien à dire sur la météo, sur le chat de la voisine, sur la gâteau brûlé dans le four, sur la face de rat du type en face. Ca ne me concerne pas les trucs, les machins sensés faire bon chic bon genre. Parfois, j'aimerais jeter ma sale tronche dans une poubelle, y mettre le feu et regarder le brasier. Putain de moi, horreur d'être Je, il faut définitivement abolir la connerie et si la connerie est en soi, il faut la découper tranche par tranche et la donner aux cochons. Je dis Je, moi, toutes ces horreurs, mais il faut bien croire que je suis ailleurs et que ma rage autorise ma fuite. Alors, je fuis du tombeau où je suis resté, je me volatilise du lit où je suis mort, je me traîne dehors. Je l'ai vu de mes yeux. J'ai ressenti physiquement mon absence. Je sais que je suis là-bas. Je donne la mort et je fuis. Je vous autorise à jeter votre ordinateur par la fenêtre. Je vous autorise à sortir et à vous taper la tête contre les murs. Je ne vous dirai pas ce que j'ai mangé, où je suis parti en vacances, les histoires de voisinage m'ennuient. Alors, ça reste là la stupidité de l'être humain, sa bêtise, sa manie de tout raconter. Je suis et je veux être ailleurs. C'est bien mieux comme ça, non ?

  • I.N.R.I

    Iesvs Nazarenvs Rex Ivdeorvm, « Jésus de Nazareth Roi des Juifs » fut écrit sur la croix de Jésus de Nazareth lors de sa crucifixion, lui qui a donné sa chair pour le salut des hommes. Je sais la douleur que tout homme peut endurer au cours de sa vie, et ça c'est bien une donnée fondamentale, plus importante que de savoir qui a créé quoi et quand. Dans ce passage fugitif et douloureux sur terre, nous cherchons tous à comprendre, à trouver quelques réponses. Notre état est si absurde que tous nous prions à notre manière quelque dieu, quelque entité divine, quelques pierres afin de bâtir le mur du Grand Tout. La Science, cette aventure fantastique nous fait rêver des origines, trace nos chemins sur le papier et dans nos têtes. La religion, aveuglement ou libération, cherche aussi à nous procurer cette paix. Je ne l'ai pas trouvé - peut-être n'est-elle pas ici - je continue chaque jour à souffrir en cherchant dans chaque seconde le souffle d'un apaisement. C'est ainsi que je me trouve parfois en compagnie d'autres camarades, pour une excursion, une simple réunion, une activité. Je supporte ce que l'on me fait. J'essaie de n'y pas répondre par les mêmes gestes et les mêmes erreurs. Je ne crois en aucun dieu, je sais seulement la souffrance palpable sur la peau de chaque individu, ennemi ou ami. L'homme qui stigmatise son prochain, qui tue, qui torture. L'homme qui joue avec l'enfer. L'homme qui bâtit des douleurs à n'en plus finir. Je comprends les gestes de désespoir et les suicides. Je n'excuse ni n'explique rien. Je sais simplement les marécages où se perd souvent l'esprit de l'homme. La douleur est l'élément fondamentale de la conscience, elle est présente dans chaque seconde de notre vie, elle nous menace à la sortie de cette vie, à l'entrée de l'enfer. Souffrir ! Le mot intolérable qui brûle, déchire, tuméfie ! Cette réalité de notre condition ! Nous sommes tous à notre façon des christs crucifiés sur la croix. Cette conscience, où ira-t-elle s'échouer à nouveau ? Il n'y a aucune vérité, il y a simplement la possibilité certaine de souffrir ou de ne pas souffrir. Je contemple donc dans chaque regard la douleur possible, cachée, ignorée. Je me sens un avec tous les hommes, tous engagés dans la même condition. Certains hommes savent faire le mal, d'autres le combattent dans la fraternité. Certains prient, enseignent, écrivent. La douleur, quand même, est partout, signe qu'une conscience survit toujours quelque part. Nous résoudrons peut-être la question de la douleur entre frères humains. Celle du Christ, elle, est inaccessible. J'ai souffert à cause de l'ignorance. Je peux pardonner. Je ne peux pas oublier. Je sais voir aussi dans chaque être l'Ame du Christ.