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Mot à Maux - Page 55

  • Bingo !

    Vendredi 13. Je me suis dit : tiens, ce matin, je ne vais pas me lever ! C'est vrai, parfois on regrette, on se dit : mince ! j'aurais dû rester au lit ! Quelle poisse ! Bref, je me suis quand même décidé à sortir, à affronter la grisaille de l'hiver, quitte à tomber sur un de ceux qui auraient pu me gâcher la journée. Mais tout s'est bien passé. Celui qui devait me gâcher la journée avait dû rester chez lui. Finalement, j'aime bien les vendredi 13. Je me suis dit : tiens, c'est le jour ou jamais pour gagner au loto. J'ai dû flancher au dernier moment, j'ai joué au Solitaire, au Banco et au Bingo. J'ai gagné quatre euros. Moi qui ai inscrit sur ma boîte à lettres : "Pas de publicité, merci"... ils ont quand même trouvé la parade : ils m'envoient des papiers personnalisés : - Oui, monsieur Brochard vous avez gagné à vie 1000 euros par mois !  (il vous suffit de remplir ce bulletin, et patati et patata). Ou alors : 500 points offerts chez votre centre Leclerc ! Il y en a qui dépensent de l'énergie à vouloir me convaincre d'adhérer à tout un tas de trucs bizarres, genre réduction téléphonique, congélation à domicile, et ça sonne de tous les côtés, sur le portable, sur le fixe, ils n'ont pas encore réussi à défoncer ma porte et à me faire signer de force un ultime formulaire, je tiens bon, je reste droit, je ne plie pas sous le vent. Jour bizarre, je me suis quand même décidé à faire les courses. Il faudrait quand même qu'ils arrêtent de mettre de la nicotine dans leurs bonbons Haribo, je vais finir par faire un arrêt cardiaque à cause de tout le sucre que je m'envoie ! Et qui pourra dire qu'on ne m'a pas assassiné ! Bref, je me suis quand même raccroché à l'idée que j'allais lire Comme en Poésie n°24, la journée ne serait pas totalement perdue. Ils ont viré la Croix Rouge du hall du centre Leclerc, j'ai pas pu faire emballer ma boîte de chocolats pour un ami, tant pis, je les mangerai moi-même. Bref, la journée va finir et peut-être quelqu'un va-t-il gagner au Loto. Et certainement tous repartiront les mains dans les poches vides. C'est ça la dure loi du capitalisme. Et zou... demain je joue encore au Bingo !

  • Amazonie

    Chaque seconde qui passe nous rapproche de la fin. C'est dire si j'ai mauvaise conscience alors que la déforestation en Amazonie augmente de 25 % chaque année. Au rythme de la destruction de 1997, la forêt amazonienne aura disparu en 2020, nos enfants en seront à finir leurs études et à commencer un travail, nourris de retransmissions de la Star Academy et d'un énième bêtisier. Nous vivons à l'époque où 1/3 des forêts tropicales de la planète sont amenées à disparaître. Celui que l'on appelle "le poumon de la Terre" est menacé d'être emporté par un cancer gigantesque, subventionné par les marchés internationaux, qui en exploitant l'avidité de l'économie locale et les recettes juteuses du marché mondial provoqueront et aggraveront la dégradation généralisée de l'écosystème planétaire. Car, qui ignore aujourd'hui les dérèglements que l'homme afflige à son environnement et qui peut ne pas s'en inquiéter ? Croire que nous pouvons impunément continuer à détruire et à surexploiter les richesses naturelles causera la perte de ce qui appartient aux générations futures, à nos enfants. La destruction de l'écosystème en Amazonie cause la perte de milliers d'espèces définitivement perdues pour la science, engendre la disparition des ethnies locales et contribue au réchauffement climatique. Qui peut dire que ce désastre sera sans conséquences pour nous ! Qui peut ne pas s'alarmer de telles pertes pour l'humanité ? Depuis quelques années, nous assistons à la fonte des glaciers polaires, à des inondations records, à des cyclones de plus en plus fréquents. Comment ne pas penser un instant que la Terre malmenée souffre de notre manie de tout saccager pour des besoins futiles, égoïstes et déraisonnés ? Comment ne pas avoir froid dans le dos au su de ce que les scientifiques prévoient pour notre planète ? Pour certains désastres, l'homme s'adapte, compose, la planète, elle, est unique. Les forêts ne repoussent pas par miracle, les océans ne sont pas purifiés par l'intervention du Saint Esprit, l'activité humaine ne peut se passer de l'harmonie fondamentale entre l'homme et la nature. Le lien aujourd'hui est brisé, les espoirs s'envolent peu à peu pour notre terre, vieille de millions d'années. Sont-ce l'égoïsme, l'avidité, la bêtise qui auront raison de notre trésor universel ? Comment parviendrons-nous à gérer autant de conflits, à éviter la colère et la vengeance de notre mère, la Terre ? A côté de nombreuses consciences, je suis inquiet et je m'alarme ! Je souffre en même temps que la Terre. J'angoisse, je suffoque. Comment faire, comment agir ? Comment éviter un tournant irréversible ? Comment faire ici et maintenant ? Si parler est louable, agir concrètement vaut mieux que de beaux discours. Choisir ses valeurs engage une vie entière, je me serais probablement engagé dans ce combat si la poésie n'avait mis le grappin sur moi d'une façon aussi intense. Mes convictions restent les mêmes et je ne donne pas à la poésie une autre utilité que sociale, vitale. Il s'agit de se convaincre d'un engagement à avoir dans les principaux domaines de la vie. L'environnement est une question universelle qui ne saurait se passer de toutes les forces vives. Rester et se taire ! Subir, s'excuser alors qu'il est peut-être trop tard ? Vivre un autre cauchemar au rythme fantomatique des millions d'hectares de forêt déjà disparus ? Alors autant s'enterrer dans un trou et se taire. La parole, l'action sont plus que jamais vitales ! Alors que nous assistons en direct à la destruction de notre Terre, nous avons une lourde responsabilité envers les générations futures. Aujourd'hui, le combat est plus que jamais essentiel pour toutes les forces, et l'action indispensable. Je n'aurai jamais bonne conscience. Pas pour ça, pas pour les forêts, pas pour les océans, pas pour l'avenir de nos propres enfants.

  • "Seize fois sans", Pascale Albert

    Pour commencer l'année avec un bon livre, voici "Seize fois sans" de Pascale Albert aux éditions Echo Optique. Parce que la poésie évoque en peu de mots un univers bien trop grand, infini dans la substance d'un livre, cette même poésie recèle des pouvoirs d'évocation que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. On peut relire un livre dix fois en découvrant à chaque fois quelque chose de nouveau, car la poésie dit tout, suggère tout, contient dans une formule impossible les racines, les herbes et les arbres du temps. La sensation d'avoir tout dit procure une paix de l'esprit. Le mot, dense en lui-même résonne de pouvoirs infinis d'évocation. La poésie opère en terrain inconnu en nous révélant à nous-même. Il y a dans le livre de Pascale Albert une part manquante, une déchirure qui tient à la perte ou à l'éloignement de l'être cher ou intime. Toute cette vie puissante est sous-entendue dans le blanc de la page. Elle est un terrain dévoilé qu'il n'y a pas à redire, le mot ici est martelé pour mieux imprégner le lecteur de cette perte et de cette nouveauté. "16 fois 365 matins de silence / 5840 jours de rien", le poème est une science, il calcule la perte, compte les hématomes et accueille la vie perdue, en fait resplendir les trésors. "252 288 000 respirations solitaires", toute l'expérience acquise au fil de 16 années est le fruit d'un calcul quotidien, assidu qui se poursuit dans le présent. Chaque vers est le fruit d'une équation pleine d'humour et de mélancolie, un calcul résultant d'un autre calcul. Inventaire d'une perte ("Tu sais le manque ? / Tu sais le creux") quiétude aussi de posséder encore l'être perdu ("Avec toi / Dans une bulle"). Car ce qu'a perdu le poète, il le possède à jamais ("En un jour / J'ai toutes les humeurs"). Si la perte ronge, le poète sait avoir possédé, connu, aimé. Le poète qui sait les tourments ("Je saigne / Encore") sait aussi se contenter de bonheurs simples ("Ma fille a 9 ans / Et un amoureux"). Si "Le silence tue / Les élans, les mots qui vont avec" , il s'agit de se sentir exister encore ("Pour toi, je suis morte ?") aux yeux des autres et de soi-même, tâche qui revient au poète, celui qui a connu et enduré la perte et qui peut affirmer connaître : "Je suis vivante. / Que moi pour savoir. / Toi, ta vie, ailleurs." "Seize fois sans" de Pascale Albert évoque avec force et concision les tourments du manque et de la perte, mais aussi le bonheur de se savoir exister, en dépit des fracas, des doutes et de la douleur.

    Avis de parution :

    "Seize fois sans" de Pascale Albert, 8 euros + 2 euros de frais de port. Format 10 x 19 cm, 42 pages.

    Chèque à l'ordre de : Echo Optique, Bellevue, 85500 Les Herbiers.

    Pascale Albert vit aux Herbiers (Vendée). Comédienne et auteur, elle anime également des ateliers d'écriture pour adultes et enfants.