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Mot à Maux - Page 21

  • graphorrhées-fragment 1, poème d'Adrien Nasone

    graphorrhées-fragment 1

     

    Je m’opère moi même

    me décortique

    décor les tics de mes tocs

    les tics tacs onomatopeux qui m’évite et m’irrite.

     

    A vif et clandestine ma peau s’élastique

    elle ondule

    elle ondine

    elle ovale

    elle ovule.

     

    Ventre rond

    je suis enceinte pour toujours

    mais je n’enfanterais jamais que des maux-mots.

     

    Au bout de ma langue

    il y a des microcosmes de larves à venir

    des lunes croissant quartier de pomme

    l’ivresse incertaine

    l’ivresse tragique

    nez rouge aussi.

     

    Dans ma grotte

    dans l’encre vagin de ma caverne ventre rond

    entre placenta et naissance

    il y a quatre murs

    quatre murs à la verticale de mes horizontales

    un plancher pour m’empêcher de m’enfoncer terre à terre

    un plafond pour m’empêcher de m’envoler lyrique.

     

    En-quête toujours fragmentée

    lourde haleine chargé déchets pesanteur

    et spleen détail d’un fond de verre.

    Il faudrait que je pense à faire l’apologie d’un postillon.

     

    Présentation d'Adrien Nasone :

     

    L’écriture je la vis plus que je ne l’écris.

    Au dehors comme au dedans, je la chuchote parce qu’elle est comme un secret.

    Mais aussi je la dis

    et aussi je la crie.

    Petit poucet, je sème ici et là des traces de mon passage.

    Depuis peu,

    j’ose m’incarner

    et me laisser lire.

  • Éditorial, Mot à Maux n°7

    Éditorial

    La poésie est une rude affaire. Ce monde-là aussi est plein de cruauté. Pouvoir dissocier un poème d’une aventure parallèle, de la vie courante, normale, n’est pas donné à celui qui voit dans la poésie le cœur même de l’existence. Et on vous donnera des leçons afin d’adapter votre vie à la vie normale ! Votre logique n’est pas compatible avec ce monde. Vous serez toujours marginal, délaissé, ignoré. Mais vous ne vouliez pas devenir célèbre ! Vous souhaitiez simplement que quelqu’un lise vos poèmes. Aujourd’hui, le fait d’écrire fait de vous un ringard. Votre crédibilité s’essouffle à vue d’œil. Pourquoi écrire ? Comment être différent ? Votre incompatibilité n’est-elle pas rédhibitoire ? C’est la parole non dite qui manque au monde. Ce sont les heures passées dans la solitude qui feront le malheur du poète. Alors, y a-t-il une voie différente de celle du malheur ? Le monde se délite, s’effrite. Le poète se noie dans l’alcool et les médicaments. Nous vivons à contre-sens. L’écriture est notre malheur. Une blessure intime au cœur du monde rugueux à étreindre. Mais c’est tout ce qu’il nous reste. Nous sommes des survivants face au silence d’un monde hostile à nous et à lui-même. Nous sommes une forme de la résistance. Si fragile, si malmenée par les tempêtes. Le poème sera toujours un lieu de défiance, une parole méprisée et incomprise. Le poète est un apatride, un étranger. Peut-être est-ce à lui que revient la lourde tâche de s’élever contre le monde, de faire resurgir la parole. Le travail finit toujours par payer. Car le poète est un idéaliste, un rêveur. Il n’est pas de voie plus dure que la poésie. Le mépris est souvent le salaire du poète. Et celui-ci sera toujours dans le maquis.

    Daniel Brochard

  • "Electron", poème de Fabrice Farre

    ÉLECTRON

     

    On passe par-dessus la barrière

    située sur la dune. La miniature jaune

    vient mouiller en sifflant, les remparts tout autour

    ont l'épaisseur d'une feuille dont la couleur

    tinte l'automne, aujourd'hui. On en oublie

    la colère des pierres menues, leur mètre étalon.

    Plus libre, on quitte la scène. On rentre

    à une heure indue dans le chaos qui tient

    au fond de l'univers ou d'une poche.

     

    Propos de Fabrice Farre :

     

    Le vœu le plus cher est sans doute celui de communiquer, d'être en mesure de réaliser un échange avec l'autre, de le toucher, l'émouvoir par exemple, au mieux de construire un lien sûr. L'inverse porte un nom : l'échec. C'est une épreuve terrible, mais porteuse d'un riche enseignement , malgré tout. L'or dans la boue, en quelque sorte.

    Donc, pas de langage codé. Quoi que, en l'espèce, on pourrait imputer au style une tromperie, dans la mesure où celui-ci ne serait pas intelligible. Pourtant, l'enjeu est là, dans une tension extraordinaire. Il est nécessaire, avant tout, d'être juste avec soi-même et de le rester avec l'autre. Cette folle ambition peut durer une vie. Une vie entière, afin de ne pas perdre de vue que l'écriture est d'abord un travail sans relâche, et l'autre, peut-être, un autre soi-même, un semblable.

      

    Fabrice Farre vient de publier, en 2018, Mémoires (dans la revue Ce qui reste), Inflexion (aux éditions Rafael de Surtis) et Partout ailleurs (chez p.i.sage intérieur). Parmi les revues et sites qui ont accueilli récemment ses textes, citons : Revu, Alkemie, Mot à Maux, Rrose Sélavy, La piscine, Beauty will save the world et Terre à ciel. Son blog : poésie contemporaine...peut-être.