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Mot à Maux - Page 37

  • Décroissance

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    L'ignorance est un des pires fléaux. A chaque instant, je me demande ce que je ne sais pas. Avoir bonne conscience, c'est déjà se condamner aux yeux du Bien. Que faire sinon être révolté ? « On est tous responsables de notre planète » clame Yann Arthus-Bertrand dans Madame Figaro 1131 (28 avril 2006). Je me souviens de soirées télévisées, de quelques débats et d'émissions criant l'urgence de prendre des mesures pour protéger notre planète. Aujourd'hui, les chiffres sont avancés et les conséquences tomberont quoi qu'il arrive. Pour certaines choses, on peut toujours corriger le tir, innover, inventer. Pour d'autres, comment allons-nous faire ? Les arbres qui brûlent, les espèces qui disparaissent - je pense aux trésors de l'Amazonie - seront à jamais perdus. J'ai beau tourner la question dans tous les sens à chaque instant, je ne trouve pas la paix. Peut-être que je ressens physiquement la déforestation, que l'esprit des tribus là-bas se transmet en moi. Il y a des prières qui doivent arriver jusqu'à moi. Faut-il attendre impuissant la fin du massacre et la naissance d'un nouveau désert ? Quel est le seuil tolérable de la perte de notre écosystème ? Pourra-t-on se relever sans entrer dans un nouveau Moyen-Age ? En attendant, je souffre dans ma chair la perte des richesses terrestres, fruits de millions d'années d'évolution. Je suis coupable. Je ne suis pas ignorant, donc je suis coupable. Et ça, ça me tient chaque minute de ma piteuse existence. Les forêts ne repousseront pas, quoi qu'on puisse en dire. Faut-il attendre de se prendre le mur pour pousser un cri ? Attendons-nous à des catastrophes. L'esprit de la terre souffre. Nos murs physiques et spirituels sont menacés. Je partirai avec ce cri en moi. Puisque je ne suis pas ignorant, je tape sur tout ce qui me paraît excessif, hypocrite et dangereux. « 112 600 km² de forêt régressent chaque minute : c'est l'équivalent de 33 terrains de foot », indique Madame Figaro. 8 pages intéressantes avec interviews de personnalités (Nicolas Hulot, Jean-Louis Etienne, Catherine Chabaud, Dominique Voynet, Jean-Marie Pelt...) sur 152 pages dont 60 pages de publicités exclusives, parmi une majorité d'articles navrants et de produits en tout genre (mais quoi... c'est Figaro Madame)... ça fait peu ! Je suis mort révolté contre l'ignorance, j'ai décidément beaucoup de mal à supporter la connerie, même involontaire. Je comprends maintenant pourquoi la poésie n'intéresse que quelques-uns, il y a trop de concurrence en face ! Tu veux parler ? Crier ? Achète un autre magazine. Il y en a plein, en cherchant tu finiras bien par trouver. Alors, pourquoi je tape sur Madame Figaro ? Et pourquoi pas ? Parce que la révolte me prend chaque matin et que j'ai beaucoup de mal à ne pas trouver un truc qui ne m'horripile. Donc, un autre jour je taperai sur les jeans Lewis, sur les magasins de vaisselle, sur les magasins de meubles, sur les supermarchés, sur les bijouteries, sur les hôtels trois étoiles... C'est vrai que je n'ai pas le profil vendeur. Il vaut mieux me donner de quoi me taire plutôt que de me voir entrer dans des débats d'idées qui amèneraient le système économique entier à la catastrophe. Donc, je prends chaque jour ma dose de médicaments, d'allocations familiales et de télévision pour éviter de propager ma rage qui, si elle pouvait sortir de ma cage dorée serait très néfaste à la consommation. Vous allez me dire : où est le rapport entre la forêt en Amazonie, Madame Figaro et le désir de décroissance ? Peut-être dans le fait que décidément ça va très mal. Alors, pour la forêt, je fais quoi ? Pour le Figaro c'est facile, je ne l'achète pas. Pour la décroissance, il y a France Inter. Mais pour la forêt, je fais quoi ?  Une balle dans la tête ? Au moins, je n'entendrai plus parler de ce bazar.

  • Wish you were here

    Syd Barrett, un des fondateurs des Pink Floyd, est mort le 7 juillet dernier des suites de complications liées à son diabète. Il vivait depuis son retrait du groupe dans la banlieue de Cambridge une existence paisible, s'adonnant notamment à la peinture. C'est une légende du rock psychédélique qui s'en va en laissant un grand vide et une étoile qui naît dans le ciel. Ce ciel que je contemplais dans le silence de l'adolescence, la musique du Floyd entre les oreilles. Au pensionnat, sur ma bicyclette, en maints endroits exigus j'ai usé les cassettes de ce groupe légendaire. Il y a de petites choses qui portent, des sons qui vous transportent, des rythmes universels, des choix esthétiques qui dès votre naissance orientent et accompagnent la vie. Adieu, Syd ! En dépit de toutes tes drogues, qu'est-ce qui t'a donc emmené, toi le diamant, le peintre, la légende ? Et brille ! Brille ! Tu as décliné l'invitation. Tu n'as pas supporté l'attitude des gens ordinaires. Tu as pris des drogues à la pelle car tu savais que la vraie vie se consume par tous les bouts, qu'une existence se mène de toutes les déraisons, et qu'il vaut mieux se détruire à petit feu que de se voir entrer dans la normalité, dans la norme, et qu'il ne faut jamais répéter les erreurs. Si seulement tu étais là maintenant, si toute une vie ne s'était pas perdue ! Nous nageons dans un aquarium en feu ! La terre brûle, Syd ! Ta drogue n'a pas suffi à anéantir le train-train des gens normaux ! Nous savons tous qui t'a assassiné, qui a brûlé tes paupières fardées ! C'est pas grave, Syd ! On les aura tous, un jour, à la longue ! On ne marchera pas sur ton tombeau. Nous ne laisserons personne ternir ton image. T'inquiète pas Syd, je ne suis pas près d'oublier la chanson. Un mort... c'est étrange, un mort quand ça apparaît. C'est bizarre la couleur blanche de la peau. Un costume de scène ? Une guitare flamboyante ? Des amplis qui crachent et hurlent ! Et une tombe... c'est triste une tombe ! Un sourire figé... ça arrive aussi. Alors, adieu ! La musique, ça reste, Syd. Ca reste. Si tu étais là. Si seulement tu pouvais être là. Il reste Roger, David, Nick, Rick et ces concerts fabuleux. La mémoire, ça ne part pas, Syd. Et puis, croyais-tu au ciel, au vent, à l'ombre ? Continue de briller, Syd. Une étoile, ça ne s'éteint pas. Ça brille.

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  • Blanc sur blanc, Kazimir Malévitch

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    Plongez du regard dans cette toile (celle-ci n'est pas accrochée au plafond) et posez-vous la question : Pourquoi le peintre a-t-il fait figurer un carré blanc sur un fond blanc ? L'énigme est entière et dépasse les frontières de l'Art. Peut-être est-ce que nous ne maîtrisons jamais ce que la Nature peut créer, et ce mystère, en peinture, prend la dimension d'une forme géométrique, interrogative à l'endroit de notre incrédule impuissance à comprendre le monde. Alors, le peintre fait ce qu'il sait faire, il fait sauter les verrous de l'incompréhension, propose une image brute, énigmatique, dépourvue de toute clef, laissant le spectateur face à son désarroi et à son ignorance. Toute notre vie, nous ne faisons qu'interpréter la plupart du temps un monde correspondant à notre quotidien, nous colorons des astres, nous distillons les discours, passant de la larve à des schémas de pensée sensés illustrer notre intelligence. Au bout du compte, nos certitudes se perdent, en attendant une mort à laquelle nous donnons la mission d'éclairer notre néant. L'esprit répond tant bien que mal à quelques questions. Nous comprenons le miracle de la vie quand il défie toutes nos interprétations. Qu'a voulu faire Kazimir Malévitch* en peignant ses formes géométriques, croix, carrés noirs sur fond blanc, puis blanc sur blanc ? Un autre artiste dispose à notre regard une toile vierge de toute intervention ! Est-ce la fin ou le début de l'Art ? Au final, nous sommes rendus à l'ignorance qui est la nôtre à tout moment de la vie. Les portes de la perception s'ouvrent ou se ferment à chaque pas. Malévitch a-t-il voulu dire que nous resterons à jamais muets face à ce monde, perdus dans nos interprétations, ou que désormais nulle limite n'entravera la naissance de l'esprit par l'Art ? Et puis, quelle interprétation est la plus apte ? Ne doit-on pas quitter toute tentative d'éclaircissement et se laisser rêver à un état exempt d'images, de mots, de sens ? Le monde brut serait alors par magie sous nos yeux, ce monde exacerbé dans nos rêves dont nous ne faisons que traquer l'inaccessible dimension. Le « Carré blanc sur fond blanc » de Malévitch est peut-être le rêve initiateur d'une angoisse métaphysique puisant ses racines dans le tragique d'un siècle sanglant et absurde dont l'horizon se serait éteint au fond d'un tableau monochrome.

     *Kazimir Malévitch (peintre) : 1878 - 1935

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