Mot à Maux s'est déplacé à Limoges ce week-end sous l'invitation de Laurent Bourdelas à l'occasion du premier salon de la revue francophone, dans la chaleur accablante d'un mois de juin. Une quinzaine de revues était au rendez-vous (Comme en poésie, Friches, Poésie/première, Pyro...) et quelques lectures et animations sous le pavillon frigorifique mais néanmoins caniculaire au centre de la capitale limousine. Ambiance sympathique portée par une actualité brûlante (une manifestation de "sans-papiers" ayant investi le lieu vers 16 h 30 ce dimanche, prévenus, nous avions dû écourter un peu la session), dans un contexte social qui rappelle des heures d'autres temps, pas très glorieux, les rafles encore reprennent. La poésie rattrapée par la réalité, nous étions beaucoup à ressentir un grand malaise, à penser que nous avions décidément bien notre place ici. Car un engagement poétique n'est pas seulement de mots. Il figure au beau milieu de notre vie sociale. Le poète n'est pas cet être illuminé planant sur des nuages, à l'écart et contre le monde, il se situe dans le marasme, lui aussi a la nausée, il souffre, ses larmes sont les mêmes ! Les collectifs de soutien aux plus démunis me semblent être ces veilleurs, alertés par une injustice récurrente, par une uniformisation de l'indifférence et du rejet ! Ce sont les vrais poètes ! De même qu'ils véhiculent d'autres valeurs, elles-mêmes partagées par d'autres combattants, universitaires, professeurs, travailleurs, simples passants, vous, moi ! Tous nous rêvons à une autre civilisation. Nous en avons marre de subir l'imbécillité et la fatalité des puissants. Marre que la voix des plus nombreux et des plus faibles soit opprimée et que liberté et dignité soient bafouées. Je ne m'emporte pas, je suis calme. Mais qui écoute ? Les passants dans la rue, les médias, les politiques ? ... chut... Je suis calme, je me rassois sur mon banc, je suis sage, sage... un enfant très sage. Je dis bonjour aux passants, au marché, au restaurant, dans la rue. Je me dissous dans les esprits, j'ai les mêmes attitudes, les mêmes vêtements... Je fais peur ! Un homme qui lit, qui ne sourit pas, ça fait peur ! Un homme dans un miroir, ça fait peur ! Il vaut mieux traîner dans les magasins, fouiller les supermarchés. Dans un salon de poésie... vous n'y pensez pas ! Soyons sérieux, le monde va mal, les poètes font fuir et la terre ne tourne pas très rond. Moi, je suis désespéré. Nous vivons une belle aventure. Ca continue.
Mot à Maux - Page 41
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Tes papiers !
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Les mots
Les mots, ça passe. On vous en donne au kilo dans votre boîte à lettres. On vous en donne à la tonne dans les publicités. On vous en vend dans des paquets de lessive. On vous en distille dans les discours politiques. On vous les compte au gramme près. Le boucher vous découpe un gros morceau de mots. Le boulanger vous donne un pain de mots avec les friandises pour le gamin. Ca passe. Ca fait trop mal. On se décide à vivre en soufflant les pétales des mots. Mots de fer, d'acier. Mots montés en corps d'immeuble. Détendus sur un banc et qui regardent les fontaines, les petits bateaux, les enfants. On vous a gavé de mots, on vous a dit des mensonges. Il faut rester sage, ne pas avoir de trop mauvais mots. Il faut être dans la norme. Les mots qui circulent sous le manteau, volés, les mots de contrebande doivent être eux aussi polis. Les mots au soleil se transforment en ombre. Ils fondent, se recroquevillent, deviennent dangereux. Soyons dociles avec les mots. Les mots, le vent, la vie, les feuilles des arbres, les cris, les murmures passent. On a monté des murs de mots. Il faut les détruire à coups de masse.
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Le temps des cerises
La poésie agissant comme un laboratoire, un stimulateur cardiaque, un placebo, un peu de bon sens ne fait pas de mal. La poésie n'en est pas le réceptacle exclusif, la philosophie non plus, ce qui importe c'est le sens évoqué pour chacun. Je me tape sans cesse contre des murs, devant cet absurde qu'est l'existence sur terre. Rien ne peut conduire à une explication totale et acceptable des mystères ici-bas. Descartes m'a toujours fait rire avec sa "preuve de l'existence de dieu"... Il en sait quoi, lui ? La philosophie n'apporte en tout et pour tout que des hypothèses, des suggestions toutes aussi vraies et bancales les unes que les autres. Certes, tout est bon à prendre, la curiosité intellectuelle ne peut pas avoir de limites. Il est normal de se poser des questions et d'essayer d'obtenir des réponses. Quand même, laissez-moi rire d'un rire lui aussi absurde, retentissant et grave ! Tout cela aide à vivre. Tout cela enrichit les esprits brumeux de nos adolescents. Cela donne des illusions de vérité avec usage de belles paroles, brevetées par diplômes et récompenses de toutes sortes. Tout est bon. Tout est affaire d'esprit, d'interprétations. Il est toujours bon d'avoir une canne pour marcher, d'avoir une épaule sur laquelle s'appuyer. Mais quand je pense à ce qu'on enseigne à nos étudiants en philosophie ! Sur quelle épaule je m'appuie, moi ? La vie ! Et le reste ! Dieu... Rien ne vaut le bon sens de nos ancêtres, celui du printemps, la sensation de vivre ! La recherche de réponses se nourrit de l'impossibilité d'en obtenir ! Notre esprit est libre de grandir et de se renouveler sans cesse autour de préoccupations qui le concernent. Mais sinon... quoi... il faut penser quoi ? C'est quoi la réponse au questionnaire ? Comment on fait pour avoir la meilleure note ? J'invite tous les étudiants à revenir boire et rire à l'auberge de la poésie. Je n'ai pas de réponses à vos questions. Je n'ai pas de réponses aux miennes. Nous pouvons tous aller pêcher tranquille. C'est pas aujourd'hui qu'on va se prendre la vérité sur le coin de la figure !
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