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Mot à Maux - Page 40

  • Scary F1

    Ayant tapé sur le Paris Dakar en janvier, je ne vois pas pourquoi je m'empêcherais de taper sur la Formule1 et de remettre une couche sur cette pratique hallucinante de stupidité et de bêtise. Chaque fois, on nous ressert le même tableau, départ en trombe de bolides aux volants desquels des individus sans cervelle se plaisent à atteindre des vitesses tout aussi surdimensionnées que leur ego, pour le plaisir narcissique de milliers de spectateurs attirés par le sex-appeal de la compétition et le vide absolu qui emplit leurs yeux quand un pilote arrive, à chaque tour, à passer devant eux. Il n'y a rien à dire de plus, la F1 se résume à cela, plus éventuellement les salaires en centaines de milliers de dollars par tête et les bénéfices prodigieux que rapporte chaque course à des individus dont on ne sait s'ils sortent d'un film de Mad Max ou d'un manège où tous auraient oublié leur cerveau. Car, quand même ! A qui bénéficie ce spectacle obscène relayé par les télévisions ? Quelle utilité pour le commun des mortels, celui qui souffre chaque jour pour amasser quelques dollars et qui voit passer devant ses yeux l'indifférence totale, le mépris et l'arrogance des "gens du Nord" qui décidément l'ont perdu depuis longtemps ? Aimer frétiller du dard au volant est une chose, relayer l'information par tous les médias possibles en nous bassinant le fessier à chaque flash télévisé en est une autre. Mais quoi... nous sommes à l'heure de la compétition, de la vitesse, du n'importe quoi au prix le plus cher. Rien à foutre des lois morales, de l'éthique, de la retenu ! Les gens crèvent, et alors ? Ca me concerne, moi, au volant de ma Ferrari ou de ma Renault ? J'y peux quoi ? C'est pas parce que je claque et que je flambe des millions de dollars au nez d'un éventuel spectateur à l'autre bout du monde que je suis un égoïste, un sadique et un pervers ! La remarque est imparable. Nous sommes dans la civilisation de la liberté à tout prix, nous avons torché nos états d'âme il y a bien longtemps. Et cet engouement que mettent les journalistes à nous commenter une course !... Bref, encore une fois je me sens vraiment un couillon à écouter leurs renvois intestinaux... et dire que moi aussi je conduis une voiture !

  • Une leçon de vie

    Fin de l'épisode limousin avec ce récit qui n'a rien à voir avec la poésie, dans la mesure où le monde non plus n'a rien à voir avec la poésie. Je me suis dirigé vers l'église Saint-Pierre (je n'y peux rien, c'est comme cela qu'elle s'appelle). A l'entrée, un mendiant attendait, j'entrai sans un mot. Je suis arrivé pour la communion. Sur les bancs de chaque côté et en face de l'autel, il se formait une procession en direction du prêtre. Le mendiant est alors entré et s'est dirigé vers le prêtre, il a tendu la langue et le prêtre lui a donné un hostie. Tout cela m'a ému. Le mendiant est allé se ranger avec les autres. Je me suis dit : « Cet homme me donne une leçon de vie, par un moyen ou un autre je ne dois jamais oublier ce moment. » Je suis allé m'installer au fond de l'église. J'ai posé mes fesses sur une chaise en attendant la fin de la messe. J'admirais les vitraux, les sculptures, l'immensité de l'espace de cette église. J'étais bien. Je pensais à tous ces siècles de processions, à notre histoire tragique, un peu à moi aussi. Je me disais que ma mère aussi avait dû passer des heures assise sur son banc lorsque j'étais malade. Tout cela me donnait un peu envie de pleurer. Mais j'avais ma fierté. J'essayais d'entendre le silence en moi, ce silence de mort, inaudible, et ce sens insaisissable qui se cache derrière chaque relique tout au fond des églises. Pauvre conscience. Pauvre être perdu dans le vide du non-sens. Pauvre mortel entre vie et trépas. L'architecture si belle des églises, l'ordre de l'esprit face à la douleur et à l'absurde... Il s'agit de croire un peu à une construction, un dessein qui se trame. La vie serait un résultat des possibilités infinies de l'univers. L'absurde serait la négation totale et le chaos. Inextricabilité des choses... Que savons-nous de la vie et de la mort ? Que savons-nous de Dieu, des hommes ? Nous marchons vers un espace possible, une probabilité des choses. Nous croyons, nous espérons. Comme notre mendiant, nous arpentons les dallages de l'église. Nous ne sommes que des êtres provisoires, engagés sur une route dont nous ne faisons qu'entrevoir le néant.

     

  • Un visiteur attentif

    Venir à un salon permet de faire des rencontres inédites. A marcher dans la rue, nous sommes tous anonymes, nous nous croisons sans un regard, une parole, nous regardons le visage, les habits, afin de percer si untel ou untel est sociable, rebelle, irresponsable. Nous regardons les vitrines en se disant : "n'importe quoi", "tiens, je vais entrer là" ou "c'est trop cher"... Nous portons à la fois un regard critique et un regard halluciné, hypnotisé, nous cédons à l'appel des anges. Plusieurs niveaux de conscience se superposent. Savoir se mettre "hors", "au-delà", "au-dessus" c'est se libérer de l'hallucination collective, ne plus être ébloui par le chic, le luxe, le confort dans toutes ses dimensions. C'est se mettre "à part" aussi. Savoir adopter une attitude critique est le début de toute sagesse, le commencement d'un chemin qui porte à l'illumination. Nos rues ont beau être éclairées... quelle différence avec les chemins sombres qui les traversent ? Il faut s'arrêter, s'interroger, se convaincre à entrer pour connaître un épisode qui, c'est sûr, marquera la journée. Un homme de 68 ans et sa femme se sont donc arrêtés à ma table, intrigués pas le titre : "Mot à Maux". « - Les immeubles font bouger la terre », me dit-il. « Je ne sais pas si c'est le cas, mais la terre, elle, les fait bien bouger ». S'en ensuit une conversation à propos des difficultés de notre temps. « - L'homme a détruit, en un siècle, quatre milliards d'années d'évolution. » Là, je bondis en disant : « Oui ! Et que voulez-vous faire ? Les gens ne se posent pas de questions, ils vivent presque sur une autre planète ! Ils sont perdus dans leurs I pods, leurs Windows multimédias, leur confort tout relatif. C'est le train-train quotidien, on ne peut pas arrêter la machine humaine. »  « - Bah, bah, bah », me dit l'homme. « - Nous n'avions à l'époque que quelques fruits, deux chaussures et quelques vêtements... » La misère continue elle-aussi aux quatre coins du monde, nous sommes de plus en plus riches, dépassés, débordés par toutes les choses que nous pouvons acquérir. « - L'homme va mal, très mal. » Et que voulez-vous faire ? « Moi, j'ai la poésie. On ne peut pas nous enlever ça, sinon on nous enlève notre âme. » Silence. La salle peu à peu se réveille. Des paroles murmurées, des discussions. Les visages s'éclairent. Les mouvements reprennent. « - Bon, on va y aller. Au revoir. » Voilà, c'est fait. Un des premiers visiteurs. Un visiteur qui reprend son chemin dans la rue, qui s'efface, anonyme. Je range un peu le tas de revues. J'allume une cigarette sur le trottoir. Tout à l'heure, à la pose, j'irai moi-aussi me dissoudre dans le marasme de la rue. Moi aussi je prendrai le chemin, je suivrai le pas des voyageurs. En passant par l'église, je jetterai quelques regards attentifs vers les vitraux qui éclaireront mon chemin.