Paul Kodama, après "La nuit du chômeur" dont j'ai publié un extrait dans le n°1 de la revue, revient sur le site Hache avec "Derrière la vitre". Un texte fort qui nous invite à faire un peu de géographie, l'auteur habitant en Bolivie, sa nouvelle est une photographie de la vie sociale de ce pays tourmenté par la corruption. Le texte est écrit sous la forme d'un tableau, comme pour mieux énumérer les malheurs du quotidien, pour nous en dresser une liste. Le ton est celui d'un homme conscient de la réalité, plein d'ironie et de critique à l'endroit de la société dont il dénonce les travers. Prostitution, drogue, délinquance, chômage, répression armée, et toujours la présence du sang à la télévision, cette même télévision qui nous fait miroiter les bienfaits du capitalisme... Mais la réalité est bien loin du rêve, le capitalisme connaît ses revers, son influence se fait fortement ressentir au travers de la corruption. L'art ici est montré comme un commerce et la littérature un rêve bien éloigné. C'est le réel, les travers d'une société et d'un système que Paul Kodama veut nous montrer à la façon d'un journaliste à travers son reportage. Le texte laisse beaucoup de blancs, à nous de les compléter, de faire l'addition, de tirer des statistiques. Cette forme d'écriture n'est pas un jeu, elle est une façon de marteler dans les esprits une misère sociale et la violence d'un pays. Elle nous invite à nous impliquer nous même, à en retrouver les causes, à tirer des hypothèses, à émettre des avis. Cette écriture est un engagement, elle est au plus près de la réalité. Le style de Paul Kodama est celui de tout artiste, il est une cristallisation, une synthèse, un regard dont on ne saurait ressortir indemne. "Derrière la vitre", derrière l'écran ou au volant d'une voiture, le regard de Paul Kodama est aussi une interrogation sur notre propre regard.
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