Emmanuel Berland nous parle d'une île « aussi solitaire que l'enfance », un lieu où « il n'y a pas de mur, pas de porte ». Cette île est un lieu d'accostage de tous les navires du monde. Entrer c'est emprunter l'issue de maints Apocalypses, aussi nombreux que les maux de la terre. Emmanuel Berland nous dit que nous n'allons pas vers l'au-delà en suivant une voie unique commune à tous les hommes mais par différents chemins innombrables. Cette poésie est attentive aux chants de l'océan, à la musique, à toutes les facettes de l'humain, elle fait briller « les graines de cosmos », en tant que chaque expérience est susceptible de tenir une place importante à l'entrée du paradis. Le poète est le témoin privilégier de ces mots, le passeur. Il est celui qui connaît tout de la vie, des passages. Si « faire le tour de la vie / prend toute la vie » le poète est là du début à la fin, là même où le silence règne. Le poète donne sens : « je parle de ce qui est haut, je parle de ce qui est grand ». A la fois en-deçà et au-delà, le poète se tient « à l'entrée de secours du paradis terrestre ». C'est qu'il compte redonner son importance à la parole : « l'intérieur du cerveau » s'apparente à un « vieux labyrinthe où s'entend rôder un / chant unique ». Telle est sa richesse : « j'aime le papier, le parquet, les rayons / d'une bibliothèque ». Le langage employé par Emmanuel Berland nous évoque donc mille et une choses. La vraie vie semble émaner de ces mots dont on retiendra la richesse d'âme et des images intenses : « tes voyages d'années-lumière / se mélangeront dans les souvenirs comme les profils / d'oiseaux / dans une forêt surnaturelle » Sa poésie est parole d'âme. S'il affirme : « De nous, il ne doit rien rester » et « je quitterai sans bruit l'absence » c'est pour mieux faire fleurir la parole là où elle doit se poser. « Entrée de secours du paradis terrestre » est donc à l'image du monde, « comme glace et volcans », une voix intensément proche et génératrice de sens.
Interventions à haute voix, 2001